OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/10/01/les-data-en-forme-episode50/ http://owni.fr/2012/10/01/les-data-en-forme-episode50/#comments Mon, 01 Oct 2012 16:35:37 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=121444 Data vedette

Le jury du concours Information is beautiful s’est réuni vendredi 28 septembre pour élire les meilleurs travaux de datajournalisme de l’année. Au milieu des milliers de participants, la palme d’or de la discipline a été décernée à l’application réalisée par l’agence américaine Stamen pour la chaîne CNN : Casualities, Home & Away.

Sur un fond de carte aux terres grises et aux mers noires, des loupiotes brillent en occident et sur les théâtres d’opération, Irak et Afghanistan, et se répondent. Ce sont les soldats envoyés sur le front, disparus au combat, là où ils ont perdu la vie et là d’où ils venaient. Des centaines, classés par âge, nationalité (ou état d’origine pour les Américains) et date de décès. Semés au fil des attentats et des attaques, de Kaboul à Bassorah, ils offrent un bilan glaçant des deux conflits dans cette confrontation des deux cartes.

Si cette carte vaut vraiment la peine d’être explorée, nous ne pouvons que vous inviter chaudement à passer en revue tous les autres nominés : que vous vous intéressiez au budget de l’Etat anglais ou à Metallica, il y en a pour tous les goûts et toutes les mirettes.


Mise en veille


Titre : El patron de los Numeros Primos (Les séquences des nombres premiers)
Source : JasonDavies.com
Auteur(s) : Jason Davies
Technique : D3.js
Note : Si vous êtes réfractaire aux maths, cette échelle des nombres premiers propose une représentation poétique bien que rigoureusement mathématique de cet ordre indivisible. Pour chaque valeur, ce graphique interactif trace une séquence de ses multiplicateurs qui serpente autour de l’axe des entiers, accompagné en pied de page de formules mathématiques se rapportant au nombre concerné. Repéré sur le site Data’N'Press inspiration, cette œuvre était accompagnée d’une autre représentation esthétiquement réussie mais un peu chaotique pour les rétifs à la géométrie, NumberSimulation.



Titre : Ville-Monde : Johannesburg
Source : France Culture
Auteur(s) : WeDoData
Technique : infographie
Note : Réalisé avec nos confrères datajournalistes de WeDoData, cette infographie décrit en quelques panneaux la ville de Johannesburg à l’occasion de la dernière édition de la revue hebdomadaire de France Culture, Ville Monde. Marquée par l’Apartheid dans son histoire, la métropole sud-africaine a conservé dans sa démographie et son économie les cicatrices de la séparation entre Noirs et Afrikaneers, décrite ici par quelques saisissantes statistiques.



Titre : Le dieci zavorre che pesano sul sistema-Paese (Les dix poids qui pèsent sur le système national)
Source : Il Sole 24 Ore
Auteur(s) : Il Sole 24 Ore
Technique : infographie
Note : Pour mettre en lumière les faiblesses qui plombent la compétitivité nationale, le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore a épluché les statistiques des grandes organisations internationales pour y dénicher dix plaies. Du coût élevé du crédit à la qualité des infrastructures en passant par les factures de gaz et d’électricité, les datajournalistes ont situé l’Italie par rapport aux autres pays européens sur une échelle établie à partir des données de la BCE, de la Banque Mondiale ou du FMI, publiant ainsi une infographie riche en enseignement sur l’économie italienne mais aussi sur celle des autres états membres de l’UE.



Titre : What your beer says about your politics (Ce que votre bière révèle de vos opinions politiques)
Source : National Journal
Auteur(s) : Tracey Robinson, NMRPP / Mike Shannon et Will Feltus
Technique : infographie
Note : Mieux que la célèbre méthode de sondage politique “avec qui prendriez-vous une bonne bière ?”, deux journalistes du National Journal ont tenté de répondre à la question “dis-moi ce que tu descends, je te dirai pour qui tu votes”. En s’appuyant sur les 200 000 interivews de citoyens américains de l’étude sur les consommateurs de l’institut Scarborough, les deux journalistes ont ainsi réparti selon leur affiliation démocrate ou républicaine – ainsi que sur la stabilité de leur vote– , les habitués de chaque marque de bière recensée. On y apprend ainsi que les consommateurs de Heineken et de Corona sont les plus fervents démocrates tandis que les consommateurs de Corona Light ou de Samuel Adams penchent plutôt de l’autre côté.



Titre : The US electoral college explained : why we don’t vote directly for a president (Le collège électoral américain expliqué : pourquoi ne vote-t-on pas directement pour un président)
Source : Guardian
Auteur(s) : Guardian US Interactive team + Harry J Enten
Technique : datavidéo
Note : Essentiel à la compréhension de l’élection présidentielle américaine qui se profile, le fonctionnement du collège électoral reste une énigme pour les habitués du scrutin uninominal. Avec un fond vert et un texte (en anglais) bien calibré, Harry J. Enten du Guardian US déchiffre en graph (bien qu’avec peu d’entrain dans la voie) toutes les subtilités techniques qui amènent à l’élection d’un président ainsi que l’origine historique de cette étrange méthode.



Titre : Les enfants juifs de Paris déportés de juillet 1942 à août 1944
Source : ENS Lyon et CNRS
Auteur(s) : ENS Lyon, CNRS et Gérald Foliot (TGE Adonis).
Technique : Infrastructure Map Server
Note : En deux ans, d’un été à l’autre, 11 400 enfants juifs ont été arrêtés (6 200 à Paris), dont Serge Klarsfeld répertorie depuis 1978 les tragiques histoires. A l’aide de ces données, rapportées au cadastre de l’époque, les équipes de l’ENS Lyon et du CNRS ont constitué une carte de la capitale marquée des points représentant les rapts d’enfants juifs ayant pu être localisés. Un objet de mémoire qui fera l’objet d’une projection en 3D à l’occasion de la fête de la Science à l’ENS Lyon en octobre prochain.


BONUS : cartes au trésor

Titre : A handsome atlas (Un atlas de toute beauté)
Source : Brooklyn Brainery
Auteur(s) : Bureau du recensement du Ministère de l’Intérieur américain / Jonathan Soma
Technique : encre, peinture et papier.
Note : Le datajournalisme peut s’enorgueillir de talentueux ancêtres : en fouillant la librairie du Congrès, l’équipe de la Brooklyn Brainery a découvert des trésors de graphes, cartes et histogrammes produit pour certains il y a 150 ans ! Par un système de navigation élégant, le développeur Jonathan Soma ouvre à chacun les données collectées par le service de recensement dans les années 1870 à 1890, en camemberts peints à la main sur papiers jaunis par le temps.

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Les Data en forme http://owni.fr/2011/11/21/data-anthropocene-bruner-ows-milliardaires-loir-et-cher/ http://owni.fr/2011/11/21/data-anthropocene-bruner-ows-milliardaires-loir-et-cher/#comments Mon, 21 Nov 2011 11:55:18 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=87585 Nous avons tous été émerveillés, un jour ou l’autre, par les photos de la Terre vue de l’espace. Notamment celles qui permettent de deviner les contours de nos continents au moyen unique des lumières nocturnes de nos mégalopoles. Fruit de la domination et de l’influence de l’homme sur son environnement, cette vision scintillante de la planète participe de l’anthropocène qui a inspiré l’anthropologue canadien Felix Pharand-Deschenes du site Globaia.org pour réaliser de magnifiques visualisations de la Terre à partir de données publiques : villes, routes, voies ferrées, lignes aériennes, lignes électriques, câbles internet…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mouvoir et émouvoir

La mobilité des Étasuniens est légendaire. L’an passé, près de 40 millions d’entre-eux ont déménagé, dont 10% d’un État à l’autre. Journaliste chez Forbes, Jon Bruner s’est emparé des données de l’IRS (service des impôts) pour réaliser une carte interactive des flux migratoires comté par comté, entre 2005 et 2009. En dehors d’être sobre, jolie et informative, cette cartographie est un remarquable dispositif ludique pour approfondir ses connaissances géographiques des États-Unis.

Utile pour déménager, le très classe Chasseur de Maison a été pondu par le site immobilier Trulia, qui démontre à cette occasion ce qu’il est possible de réaliser grâce à l’ouverture de ses propres données – y compris pour une entreprise privée. Ici, en analysant le trafic de son site internet et de son application mobile entre juin et août 2011, Trulia réussit à générer une visualisation claire et granulaire – jour après jour et heure par heure – des recherches immo des internautes. Si votre cerveau est assez performant pour faire un mash-up avec le site précédent, vous pourrez même vous amuser à confirmer (ou pas) le coefficient de bougeotte des citoyens étasuniens.

Puisque nous sommes aux USA et dans la data restons-y avec une petite app du site The Atlantic Cities. Réalisée à partir des données du Département du Travail et d’une enquête de consommation du site immobilier Zillow.com, cette application légère offre un cliché data instantané des principales villes américaines grâce à neuf indicateurs basiques autour de la population, du logement, de l’éducation ou du tourisme. A défaut de remporter un grand prix de webdesign ou de casser trois pattes à un canard, ce petit module utile pourrait, qui sait, gagner votre généreuse approbation.

“Point d’argent, point de Suisse.” – Racine

Vous êtes lecteur fidèle d’OWNI, et vous savez donc que nous suivons de près le mouvement Occupy Wall Street. Cette semaine, ce mouvement mondial rencontre deux acteurs majeurs de la data. En premier lieu, le New York Times publie Public Opinion and the Occupy Movement (l’opinion publique et le mouvement “Occupy“), résultat graphique d’un récent sondage réalisé en collaboration avec CBS News auprès du grand public, afin de recueillir leurs sentiments face aux revendications et aux méthodes des protestataires. L’application web (en HTML5) restituant ce sondage montre d’un coup d’œil la répartition croisée de la question-réponse au moyen d’un recensement colorimétrique de chaque témoignage placé dans sa case, et lie chaque point au texte du témoignage.

Le Guardian est également un habitué des démonstrations magistrales. Quelques chiffres mis en forme sobrement rappellent la réalité des principaux faits économiques aux États-Unis, la disparité des richesses et des revenus, de l’évolution de ceux-ci, et offre une lecture subtile et approfondie des origines du mouvement mondial “We are the 99%” : en vérité, il s’agirait plutôt de dire “nous sommes les 99,99%”. Difficilement perceptible dans les faits, l’étau se resserre grâce à la data, qui accompagne la mutation sociétale dont nous sommes témoins et acteurs plus ou moins passifs.

Un pas de côté nous permet de présenter Drawing Lines Between Billionaires and Politicians (tracer des lignes entre les milliardaires et les politiques), imaginé et mis en forme par Jon Bruner, que nous avons déjà évoqué plus haut. Après avoir passé une partie de l’été à décomposer et analyser les enregistrements de la Commission électorale fédérale, il a modélisé les relations entre les plus riches – notamment les fameux 0,01% dont parle la vidéo du Guardian – et les comités d’action politique, organisations privées dévolues au soutien des partis. À noter, si l’infographie est indéniablement très “data”, elle souffre difficilement la comparaison avec la dataviz produite l’an passé par Bruner et avec laquelle nous vous invitons également à jouer.

Restons encore un peu dans le business : si vous suivez les Data en forme, vous vous souvenez certainement de la viz du NYT (“It’s all connected“) sur l’interdépendance des dettes des États. Cette semaine, la BBC a sorti les pinceaux du placard pour produire sa propre visualisation. Pas maladroite, cette petite app nous paraît encore mieux goupillée que celle du célèbre média new-yorkais : plus sobre, esthétiquement mieux rendue, elle rend hommage à l’adage “Less is More“. Simple et efficace, what else.

“Ces gens-là ne font pas de manières.” - Michel Delpech

On ne se quittera pas sans avoir évoqué la question de l’ouverture des données. Peu cité dans les différentes cartographies de l’Open Data en France – dont celle de LiberTIC que nous vous encourageons à alimenter – le département du Loir-et-Cher dispose de sa plate-forme d’information territoriale : Pilote41. Question centrale aujourd’hui, au cœur du processus de régénération démocratique dont la prochaine élection présidentielle française pourrait être le point d’orgue, l’ouverture des données poursuit donc sa progression aux six coins de l’Hexagone. Même si de très nombreux progrès restent à faire, comme le soulignait la directrice de l’iFRAP au cours des 2e Assises de l’évaluation des politiques publiques. Agnès Verdier-Molinié a d’ailleurs dressé sur le site de la Fondation pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques Publiques une liste exhaustive des “données essentielles et abusivement non publiées”. À bon entendeur.

Pour terminer ce 9e opus des Data en forme, il nous reste à signaler aux plus talentueux de nos lecteurs le second défi de visualisation du site référence en la matière Information is Beautiful. Pas moins de 5 000 dollars de prix pour une compétition ayant pour thème “MON€Y PANIC$!“. Bon courage aux héros !

IIB Awards


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !

Crédit photo : Globaia.org

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L’art de la rétrographie http://owni.fr/2011/03/14/lart-de-la-retrographie/ http://owni.fr/2011/03/14/lart-de-la-retrographie/#comments Mon, 14 Mar 2011 07:33:13 +0000 Information is beautiful http://owni.fr/?p=50956 Quand j’ai commencé à réaliser des infographies, j’avais une prétention assez simple. J’estimais que c’était une “nouvelle manière” d’exprimer et de visualiser l’information; une fusion des données et du design profondément moderne et ancrée dans l’air du temps. Mais quel naïf je faisais !


Espérance de vie animalière et ISOTYPE

Ces infographies ont été créées en 1902 par des étudiants de W.E. Dubois, un activiste afro-américain . Elles ont l’air vraiment modernes, jusqu’à la typo. Tellement même, que j’ai dû m’y reprendre à deux fois pour m’assurer qu’il ne s’agissait pas de faux. Mais non, on peut trouver un très grand nombre de ces infographies à la bibliothèque du Congrès. A lire, un billet fascinant qui raconte comment elles ont été créés et pourquoi. Et là, une excellente exposition vintage vs modern (merci à @JonAkwue pour l’envoi).

Puis, il y a eu ISOTYPE (The International System of Typographic Picture Education). C’était une forme précoce d’infographies, pensée dans les années 1930 par le conservateur et philosophe autrichien Otto Neurath “comme une manière symbolique de représenter l’information quantitative par des icônes facilement interprétables.” Encore une fois, le caractère moderne de ces images en met plein la vue. Et ce malgré les méthodes de gravure et d’impression à la main. Sublime.


Un merveilleux petit livre sur ISOTYPE, écrit par la femme de Neurath, Marie, et Robin Kinross, qui vaut vraiment le coup d’oeil.

L’art de Gerd Arntz

L’esprit d’ISOTYPE, et son langage visuel rigoureux, reposaient avant tout sur le travail pictographique de l’artiste allemand Gerd Arntz. Il a développé plus de 5.000 icônes et pictogrammes, à l’origine des syllabes du langage ISOTYPE. Son travail a eu une influence considérable sur l’iconographie moderne.

Joli !

Gerd Arntz: Graphic Designer est un très beau livre, récemment publié par 010 Publishers, rendant hommage à son travail.

Infographies rétro: pourquoi maintenant ?

L’infographie, dans l’histoire, a connu heures de gloire et décadence. Va-t-elle arriver à “prendre” cette fois ? Je pense que oui, probablement. Il existe désormais un medium viable, le web, et une audience au langage visuel toujours plus aiguisé. Mais l’infographie et la visualisation de l’information pourraient-elles à nouveau tomber dans l’oubli ?


Article initialement publié sur Information is beautiful sous le titre “Vintage Infoporn n°1″

Aussi sur OWNI, la rencontre avec David McCandless, journaliste au Guardian et tête pensante d’Information is Beautiful.

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McCandless datavisualisé http://owni.fr/2010/12/20/visualisation-de-donnees-rencontre-avec-david-mccandless/ http://owni.fr/2010/12/20/visualisation-de-donnees-rencontre-avec-david-mccandless/#comments Mon, 20 Dec 2010 17:51:54 +0000 Stéphanie Vidal http://owni.fr/?p=39455 Boire un thé avec David McCandless d’Information is beautiful quand on s’intéresse à la visualisation de données revient un peu à partager un pétard avec ses rockers préférés quand on est une groupie. Je souris béatement tandis qu’il peste contre sa nouvelle maison qu’il juge bien trop grande et trop froide. David met de l’eau à bouillir et je remarque que même sa théière est recouverte d’une petite laine. Quelques instants plus tard, je le suis, sans sucre et sans lait, dans les escaliers qui mènent à son bureau.

Work In progress

Là, il me montre une infographie sur les exoplanètes qu’il termine actuellement pour The Guardian. Briefé en février, il se désole de sa lenteur justifiée par un emploi du temps surchargé et une volonté farouche de tout concevoir à la main.

“J’ai vraiment voulu prendre le temps de sélectionner les informations pertinentes afin de créer une bonne histoire mais aussi de trouver l’échelle adéquate pour rendre le tout compréhensible.”

La notion d’échelle est fondamentale pour moi ; je crois que c’est véritablement la clé de la visualisation de données car elle donne à la fois le contexte et le sens.

Sans échelle, quelles que soient les formes qu’elle prend, nous ne pourrions effectivement pas nous repérer dans ces complexités. Elle est ce qui rend les informations vivantes et donne sens aux grandeurs physiques et temporelles. La visualisation sur les exoplanètes permet par exemple d’appréhender simplement l’immensité de l’espace dans lequel nous vivons et l’immensité des nombres qui le décrivent.

Je débute toute visualisation en partant non pas des nombres auxquels je suis confronté mais de ma propre confusion à leur égard. J’avoue ne pas comprendre ces nombres à l’état brut. Présentés de manière absolue, comme c’est souvent le cas dans les médias, il est difficile de cerner leur portée. Ces présentations ne permettent pas d’établir des liens entre divers éléments. Or, je crois que ce sont ces liens qui sont les plus importants.

La genèse

Après avoir trainé ses basques pendant plus de 20 ans dans les rédactions en tant que journaliste, David a eu l’impression d’avoir fait le tour de son job. Un peu d’ennui, en français dans le texte, le poussait à rechercher une activité neuve et récréative sans qu’il ne sache trop vers quoi s’orienter. Il y a 3 ou 4 ans, il décide d’enquêter sur les théories évolutionnistes et créationnistes, peu convaincu de la dichotomie simpliste véhiculée par la presse. ll est persuadé que les théories sur l’origine du monde ne se cantonnent pas à deux simples blocs s’opposant frontalement. Sans surprise, il découvre de nombreux désaccords entre les partisans, faisant émerger de multiples groupes dissidents. Il éprouve pourtant des difficultés à rendre par écrit l’ensemble de ces disparités.

“C’est alors que j’ai commencé à dessiner un schéma, pour faire le point et m’y retrouver. Je me souviens m’être dit : “Je n’ai plus à écrire l’article, il est déjà sous mes yeux! Je viens déjà de faire mon job de journaliste en expliquant clairement la situation que je veux dépeindre.” Tout était figurativement décrit. J’ai su que c’était le début de quelque chose et que je pourrais continuer dans cette voie… Je n’ai pas de diplômes en art ou en design mais une approche pratique des formes. En quelque sorte, je ne sais pas vraiment ce que je fais. Je suis simplement mon instinct…”

Source: http://www.fastcompany.com/pics/biggest-stories-our-time-visualized#1

Le design et la publicité

Cette concision, il me dit l’avoir appris dans la publicité quand il officiait en tant que concepteur-rédacteur en agences digitales. Il lui fallait alors distiller un maximum d’idées de façon claire et efficiente dans des espaces réduits.

Le minimum de mots possible certes, mais pas l’élimination des mots. C’est ça le design! Le design n’est rien d’autre que la capacité de pouvoir soustraire pour optimiser. Quand je dis “le minimum de mots” j’entends “appliquer le design aux mots et à l’information “

Cette optimisation David ne l’a pas uniquement avec la publicité, qu’il considère aujourd’hui – après y avoir été longtemps réticent – comme une discipline conceptuelle. Il m’explique qu’il ne lit plus à proprement parler mais plutôt qu’il scanne et consomme beaucoup d’informations, récupérant des bribes de sens par-ci par-là. Son esprit, comme le notre s’est plié à de nouveaux codes de lecture et d’apprentissage définis par Internet.

Is information beautiful ?

Avec ses visualisations, David se donne pour objectif de condenser du sens dans des espaces restreints afin de transmettre aux gens des informations auxquelles ils n’auraient pas eu accès autrement. Il mentionne aussi que les visualisations permettent de captiver l’attention des internautes, si difficile à retenir face à l’amoncellement d’informations disponibles sur le réseau. Je rebondis : est ce que l’information a toujours été belle ou est-elle, de fait, devenue nécessairement esthétique ?

“Bonne question. Je pense en effet que c’est une manière d’attirer l’œil toujours sollicité de l’internaute et de mettre en avant une histoire dans le grand blizzard de l’information disponible. Mais, à mon avis, l’information a toujours été belle. Elle est belle, captivante et magnétique. Même si elle n’a pas été perçue comme telle auparavant, les gens apprécient la beauté de l’information, de la connaissance, des systèmes, des idées et des concepts. Malheureusement, leur accès a souvent été restreint par les terminologies et le jargon des spécialistes. Aujourd’hui c’est un véritable dévoilement de cette beauté qui s’opère.

La visualisation de données ne se cantonnerait donc pas à attirer l’œil. David croit qu’elle relaxe aussi l’esprit : sollicitant sans trop d’effort les processus cognitifs.

Supérieur ou Égal

La visualisation de données permettrait donc de révéler la beauté intrinsèque de l’information, et même de rendre toutes informations belles. N’importe quel sujet peut ainsi être traité visuellement, déjouant les hiérarchies conventionnelles. Ici pas de Une ou de brèves. Quelque que soit le sujet représenté – les sites internet partiellement ou totalement bloqués en Chine (image ci-après) ou les pics de rupture sur Facebook – la visualisation de données semble lui donner un statut particulier. Elle aurait selon David la capacité de rendre tout intéressant.

Pratiquer la visualisation de données m’a conduit à réfléchir sur ce qui est intéressant. C’est une notion que l’on considère presque pour acquise alors qu’elle ne l’est pas du tout. Qu’est ce qui rend une chose intéressante et pas une autre ? Cette question me passionne. Je n’ai pas de réponse, mais mon intuition me dit que cela se joue au niveau des relations: non pas forcement les faits mais la façon dont il sont liés et ce qui les lie.

Montrer des imperceptibilités, révéler des motifs et découvrir des liens insoupçonnées entre divers éléments semblent contribuer à l’esthétique – si ce n’est à l’éthique – relationnelle de la visualisation de données.

Le Data Journalisme

L’entrée des données dans le journalisme est supposée en théorie bouleverser le métier. En théorie insiste David car à ses yeux, le phénomène reste encore émergent dans les rédactions, même les plus progressistes. Et encore, quand il n’est pas complètement boudé.

La difficulté avec les données, c’est que l’on ne sait pas immédiatement l’histoire que l’on va raconter. Il faut fournir un travail colossal de déchiffrement et de défrichement dans la jungle des données pour hypothétiquement voir un motif émerger. Cela n’attire pas forcément des journalistes soumis à des deadlines.

Pourtant, le journalisme de données ne diverge pas tellement du journalisme dans sa volonté de révéler des événements et d’établir des liens entre eux. Seulement, selon David, les méthodes et l’état d’esprit nécessaires ne sont pas exactement similaires.

De nombreux journalistes sont encore cantonnés à l’approche traditionnelle de l’article fini. On l’écrit, on l’imprime et on n’y retourne plus. Si jamais une modification doit être faite, on publiera un erratum quelques jours plus tard. Le document n’est plus vivant. Or je crois qu’il y a une véritable opportunité pour le journalisme avec la visualisation de donnée. On peut modifier son « article », le développer, le faire grandir. Cela nécessite d’être transparent, de montrer son travail ainsi que le processus, les sources et les contacts qui ont permis d’y aboutir. Beaucoup de journalistes ont encore peur de cela.

Timeline des sujets catastrophistes dans les médias

Inter-Activité

Si David se targue de la transparence qu’il s’impose c’est aussi parce qu’il y est obligé, habitué à recevoir de nombreux retours sur ses visualisations. Les commentaires postés sur son site sont parfois sévèrement critiques au point qu’il reprend actuellement l’une d’entre elles intitulée « How I Learnt To Stop Worrying And Love The Bomb (Kinda)».

C’est vraiment difficile d’être transparent afin de donner aux gens la capacité de jouer avec les donnés, de les partager et de les corriger. J’aime beaucoup que les gens commentent même si c’est pour me dire que je me trompe. Cela est inhérent au média, c’est une forme de la pensée participative issue d’internet.

David apprécie les démarches participatives. Toutefois, dans certains cas de figure, il module son enthousiasme:

«Le crowdsourcing et les processus démocratisés ne donnent pas toujours de bons résultats. Le processus est formidable en lui-même mais il ne produit pas forcément de bonnes histoires ni de travaux journalistiques pertinents.»

Le Storytelling

Donner forme à l’information et modeler les perceptions voilà ce qui semble animer David. Ne se contentant pas uniquement de visualisations figées, il lui arrive de créer des visualisations interactives comme par exemple « Snake Oil? » et des petites animations graphiques.

« Ces dernières sont plus narratives que les visualisations figées. Le lecteur voyage dans un paysage d’informations et je guide son parcours dans cet environnement. J’aime faire ces visualisations car j’y raconte des histoires. J’en raconte une principale mais en en dessous j’en convoque beaucoup d’autres. C’est une nouvelle forme de storytelling »

Avec la visualisation de données, l’image se fait narration; dans ce domaine, ce qui est suggéré est aussi important que ce qui est montré.

This is Serious Game

David raconte bien les histoires, présentant avec légèreté des sujets sérieux et sérieusement des sujets légers. Brillant orateur, l’auditoire de ses conférences rigole autant qu’il prend des notes.

La visualisation de données c’est à la fois divertissant et sérieux. Je pense avoir peut-être une approche plus espiègle que les autres data-journalistes. Les données permettent et obligent le jeu. Il est nécessaire d’entrer avec elles dans un processus ludique afin d’en extraire des motifs mais aussi pour ne pas laisser leur formalisme paralyser notre imagination.

Dans sa démarche créative David se sert du rire pour déjouer la tension formelle inhérente aux données et du ludique comme méthode s’appliquant aux processus et aux esprits, pour produire et pour communiquer.

Toutes les illustrations sont issues du site de David McCandless, Information is Beautiful, exceptée l’image de clé CC FlickR par davidsmalley

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