OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Parias du printemps arabe http://owni.fr/2011/07/06/parias-du-printemps-arabes/ http://owni.fr/2011/07/06/parias-du-printemps-arabes/#comments Wed, 06 Jul 2011 06:55:02 +0000 Edgar C. Mbanza http://owni.fr/?p=72406 Ce sont des Soudanais, des Erythréens, des Ethiopiens oromo, des Somaliens, des individus et des familles bénéficiant du statut de réfugiés : ils ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine et sont aujourd’hui “coincés” à la frontière libyenne. Ce sont souvent ces populations qui tentent de rejoindre l’Italie espérant bénéficier de meilleures conditions d’exil…

Selon le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies, 14.000 migrants africains ont tenté de rejoindre les côtes européennes par bateau, essentiellement depuis la région de Misrata dans la partie libyenne contrôlée par les opposants au pouvoir de Tripoli. Pas plus tard que le 11 juin dernier, plus de 1500 migrants africains, dont 135 femmes et 22 enfants, sont arrivés en Italie à bord de sept bateaux.

Les naufrages en mer seraient “plus fréquents qu’on ne le dit“, d’après une chercheuse italienne bénévole auprès d’une association qui accueille régulièrement les rescapés de la mer à Lampedusa, petite île italienne. Les chiffres actualisés des disparus manquent en effet ; en mai, les associations (comme la Fédération Internationale des Droits de l’homme) estimaient à plus de 1200 le nombre d’individus avalés par la Méditerranée depuis le début du conflit en Libye.

Bousculades, évanouissements, noyades

Au début du mois de juin, environ 270 candidats à l’exil ont disparu après que leur chalutier a coulé sous le poids d’une mer déchainée, près des îles Kerkennah, un archipel tunisien. La chercheuse qui a pris en charge quelques migrants ayant survécu à ce drame et réussi à atteindre l’Italie raconte :

Pendant deux jours, le bateau surchargé a tangué en mer. Les conditions climatiques étaient difficiles. Des gens sont morts, beaucoup sont tombés à l’eau. La panique a fait des dégâts aussi, à cause de bousculades et d’évanouissements, chez les enfants et les femmes notamment.

Les 600 Africains repêchés après ce naufrage ont été renvoyés dans le camp de Choucha, situé à proximité de la frontière tuniso-libyenne, à plus de 300 km de Sfax, en Tunisie. Faut-il noter aussi que beaucoup de travailleurs migrants qui se trouvaient Libye avant la guerre ont été rapatriés dans leur pays d’origine, grâce à l’Organisation Internationale des Migrations (OMI) et à la réactivité de leurs ambassades.

Ceux qui restent bloqués dans la région sont, comme le confirment le HCR, l’OMI et les associations que nous avons interrogés, originaires des zones en guerre de la Corne de l’Afrique et du Soudan. Ils sont déjà placés, sur papier, sous protection juridique des Nations Unies, pour la plupart.

Mais la situation effective est autre : le commissariat onusien se trouve dans l’incapacité de protéger de façon effective ces populations, pour le moment…

Que se passe-t-il en réalité ? Seules l’Égypte et la Tunisie pourraient les accueillir ; or, dans ces pays, seuls les réfugiés libyens peuvent pénétrer sur le territoire de ces deux pays. Les autres “sont maintenus à la frontière, c’est-à-dire à la douane“, nous confirme Geneviève Jacques de la FIDH. Là, dans ces zones de transit, les conditions de vie sont catastrophiques : extrême précarité des abris, des soins, de la nourriture et du contexte administratif, d’après la totalité des témoignages. L’Égypte, par exemple, continuerait même de faire pression pour que les campements de fortune qui hébergent ces migrants soient évacués le plus vite possible, toujours en refusant de permettre leur réinstallation dans le pays.

Ce sont des individus “doublement réfugiés” comme l’écrit une note de la FIDH. Selon Geneviève Jacques :

Ils ne peuvent être accueillis que par les pays tiers puisque les leurs sont en guerre. Mais, regardez sur la carte de l’Afrique: aucun pays n’est un territoire de protection. Peut-être certains pays du Moyen-Orient. Et l’Europe…

Il est surtout hors de question pour ces réfugiés de retourner en Libye. Les témoignages recueillis par les associations et les journalistes sont unanimes : dans les zones rebelles, les ”Noirs“, accusés d’être de mèche avec les kadhafistes, ont été “battus, spoliés, parfois violés et tués“.

Exactions contre les immigrés en Libye

Une mission de la FIDH partie en mai dernier à la frontière égypto-libyenne (Salloum) s’apprête à publier un rapport complet dont une présentation est déjà disponible en ligne (ici). Les enquêteurs de l’organisation y confirment des violences à caractère raciste, “des témoignages concordants et unanimes des exactions“, nous confirme Jacques Geneviève, alors membre de la mission. Ils écrivent que “l’amalgame noirs=mercenaires est désormais le prétexte d’insultes, de licenciements sans paiement, de passages à tabac et d’attaques de la part de groupes armés non identifiés” en Libye contrôlée par les rebelles. Des dépositions de viols ont aussi été recueillies. ”La Cour Pénale Internationale a confirmé son intention de poursuivre [les auteurs] ces exactions, dans la foulée de l’ouverture du dossier Kadhafi“, se réjouit Jacques Geneviève, tout en précisant qu’aucune enquête n’est pour le moment diligentée officiellement à la Cour internationale de La Haye sur cet aspect précis.

L’imbroglio humanitaire et sécuritaire dont sont victimes ces réfugiés africains paraît aussi comme la conséquence des politiques de gestion des flux migratoires, mises en place ces dernières années par l’Union Européenne qui a collaboré et octroyé un rôle central à la Libye de Kadhafi.

Dans le cadre de sa politique de délocalisation des camps de rétention, Bruxelles faisait de Tripoli un partenaire privilégié jusqu’à la veille du conflit. L’UE négociait même avec le dictateur libyen, l’année dernière, un fonds de plusieurs milliards, de l’argent destiné à renforcer “la lutte contre les migrations irrégulières“. Pourtant, cela faisait des années que les ONG dénonçaient les conditions d’enfermement dans ces camps de rétention en Libye, sachant que le pays n’a jamais ratifié la Convention de Genève, un pays où de surcroit aucun système local ne garantit le droit d’asile.

D’après plusieurs sources, une partie importante des migrants, aujourd’hui coincés à la frontière libyenne, vivaient déjà des conditions difficiles dans le pays, dans les exploitations champêtres ou dans les camps où il était, dans tous les cas, difficile de faire prévaloir ses droits ou d’effectuer la procédure de demande d’asile…

Un ancien sous-officier militaire libyen exilé aujourd’hui dans le Sud de la France affirme que les humanitaires n’avaient aucun droit de les suivre “une fois dedans“, dans ces prisons pour migrants, et que parmi ces derniers, ceux qui restaient longtemps dans le pays faute de pouvoir retourner chez eux, travaillaient dans les champs. “Et Kadhafi menaçait de lâcher ces noirs sur l’Europe, sous forme de chantage, c’est vrai, il en avait beaucoup“, commente l’ancien soldat.

Exploités par ici, brandis comme objets de marchandages, accusés plus tard d’être des mercenaires par-là, filtrés à la frontière et refusés de séjour dans la région, ces réfugiés subsahariens ont aujourd’hui peu de marges de manoeuvre. ”Beaucoup rêvaient d’une occasion de se jeter à la mer“, se souvient l’ex-sous-officier.


Article initialement paru sur Youphil
Crédits Photo FlickR CC by-nc-nd Guerric / CC by B.R.Q.

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2011, le printemps meurtrier des réfugiés http://owni.fr/2011/06/20/2011-le-printemps-meurtrier-des-refugies/ http://owni.fr/2011/06/20/2011-le-printemps-meurtrier-des-refugies/#comments Mon, 20 Jun 2011 17:30:21 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=70912 De janvier à juin, entre 1500 et 1800 migrants au moins sont morts en tentant de venir se réfugier en Europe, laissant augurer que l’année 2011 sera la plus mortelle pour les réfugiés. En 2006, 2000 morts avaient été recensés, pour toute l’année, et 1785 en 2007. Toutes les autres années, le nombre de morts répertoriés étaient inférieurs à 1500.

Ces chiffres sont issus de la veille organisée par deux ONG, Fortress Europe et United qui, depuis des années, scrutent la presse et les rapports officiels ou émanant d’ONG afin de documenter ce qu’ils qualifient de “guerre aux migrants“.

En janvier dernier, OWNI publiait un mémorial des morts aux frontières de l’Europe, carte interactive permettant de visualiser, par année, pays, et causes des décès, le coût de la fermeture des frontières aux réfugiés.

Nous n’avons pas pu le mettre à jour, mais profitons de la Journée mondiale des réfugiés, célébrée le 20 juin par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés -qui célèbre cette année son 60e anniversaire- pour revenir sur la situation des morts aux frontières, qui semble n’avoir jamais été aussi désastreuse et mortelle que cette année.

1387 noyés, plus quelques suicides

Depuis janvier, United a en effet recensé 1478 morts aux frontières, dont 1387 noyés en tentant de fuir la Tunisie ou la Libye, portant à 15 551 le nombre de morts recensés depuis 1993. Fortress Europe évoque de son côté 1802 décès, soit 17627 depuis 1988. Ces chiffres ne sont que des estimations, nombre de cadavres n’étant jamais repêchés, United estimant ainsi que le total pourrait être multiplié par trois.

En mars, un navire en partance de la Libye pour Lampedusa avec à son bord 308 personnes a été déclaré manquant. Deux autres bateaux ont ensuite coulés, dans la foulée, entraînant la mort de 251 migrants, puis 251 autres en avril, 270 en juin…

Mais tous ne meurent pas en bateau. Certains meurent une fois parvenus en Europe. Et nombreux sont ceux qui se suicident. United évoque ainsi le cas de Shambu Lama, un Népalais qui vivait en Allemagne depuis 16 ans et qui s’est jeté sous un train après avoir appris qu’il devait être “reconduit“, et qu’il allait donc devoir quitter son fils.

Kambiz Roustayi, un Iranien de 36 ans, s’est quant à lui aspergé d’essence et immolé, devant le mémorial de l’holocauste d’Amsterdam, où il attendait l’issue de sa demande d’asile depuis 2001, suite à l’annonce de son expulsion vers l’Iran, de peur d’y être torturé et condamné à mort.

Aminullah Mohamadi, 17 ans, s’est quant à lui pendu dans un parc de la Villette, en mai dernier, après avoir appris qu’il devrait être renvoyé en Afghanistan à sa majorité.

D’autres meurent du fait des complexités administratives. En mars dernier, Seydina Mouhamed, 5 ans, atteint d’une tumeur au cerveau et qui ne pouvait pas être soigné au Sénégal, mourait juste après être enfin arrivé en France, après une trop longue attente du fait des complexités administratives pour l’obtention d’un visa :

Mon fils est arrivé à Paris dans un état critique. Il souffrait d’une embolie pulmonaire. C’est par hélicoptère qu’il a été acheminé à Strasbourg où les médecins ont fait part de leurs regrets, car il a été évacué trop tardivement.


Contrairement à ce que laissent entendre plusieurs commentaires, émanant de lecteurs du site fdesouche.com, ces migrants sont bien morts parce que les frontières de la “Forteresse Europe” sont de plus en plus fermées, ce qui les incite à prendre toujours plus de risques, quitte à en mourir.

Voir, à ce titre, la “une” d’OWNI consacrée à ce sujet, et notamment l’entretien avec Claire Rodier, de Migreurop et du Gisti : La liberté de circulation s’impose comme une évidence.

Carte réalisée par Marion Boucharlat au design et James Lafa au développement. Visualisation mise à jour par Loguy, basée sur un graph de @manhack.

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Le fichier français des passagers aériens ne respecte pas la loi informatique et libertés http://owni.fr/2011/06/14/le-fichier-francais-des-passagers-aeriens-ne-respecte-pas-la-loi-informatique-et-libertes/ http://owni.fr/2011/06/14/le-fichier-francais-des-passagers-aeriens-ne-respecte-pas-la-loi-informatique-et-libertes/#comments Tue, 14 Jun 2011 06:26:39 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=67398 OWNI relevait récemment que la France s’opposait en partie au projet des États-Unis de contraindre l’Europe à légaliser, en violation du droit européen, leur fichier des passagers aériens à destination de leur pays, et le fait d’en conserver les données pendant 15 ans.

Dans le même temps, le gouvernement a décidé de proroger son propre Fichier des passagers aériens (FPA) qui, de l’avis même de la CNIL, n’a pas démontré l’”effectivité“, comporte un taux d’erreurs “anormalement élevé“, et ne respecte pas scrupuleusement la loi informatique et libertés…

Créé à titre “expérimental” en 2006, le FPA oblige les transporteurs aériens à communiquer au ministère de l’Intérieur les informations enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs relatives aux passagers qu’elles convoient.

Objectif : anticiper les menaces terroristes et lutter contre l’immigration clandestine, en identifiant ceux qui figurent dans le fichier des personnes recherchées (FPR, 406 849 personnes recherchées) et le Système information Schengen (SIS, plus d’1,2 M de signalements d’individus recherchés).

Le ministère de l’Intérieur expliquait récemment que le gouvernement “a fait le choix de mettre en œuvre ces dispositions de façon expérimentale, uniquement pour les transporteurs aériens, pour les données APIS (Advance Passenger Information System [en], à savoir les noms, prénoms, sexe, date de naissance, nationalité, pays de résidence, n°, date et pays de délivrance du passeport, NDLR) et pour les vols en provenance ou à destination directe d’États n’appartenant pas à l’Union européenne” :

Dans un souci d’efficacité, le choix a été fait de restreindre l’expérimentation à sept pays. Des travaux techniques sont cependant en cours pour étendre la portée du FPA à 31 États, ainsi que pour élargir son champ d’application aux données de réservation (données PNR -pour Passenger Name Record, les fameuses données des dossiers passagers tant réclamées par les Etats-Unis, NDLR).

À terme, précisait le ministère de l’Intérieur, dans le cadre de l’Union européenne, la France devra se doter d’un outil plus ambitieux, capable de traiter les données PNR et de prendre en compte l’ensemble des pays extérieurs à l’espace Schengen” :

Le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration soutient en effet activement la création d’un système européen de PNR, qui permettra la collecte et le traitement des données relatives aux passagers aériens dès la réservation pour identifier en amont, avant même leur arrivée à l’aéroport, les individus suspects.

Déplorant le fait que l’autre fichier des passagers, le fichier national transfrontière (FNT), créé en 1991 et “alimenté à partir de la bande de lecture optique des documents de voyage, de la carte nationale d’identité et des visas des passagers aériens, maritimes ou ferroviaires, avec pour finalités la lutte contre l’immigration irrégulière et la lutte contre le terrorisme (…) ne concerne à ce jour que 5 pays“, le ministère de l’Intérieur fait par ailleurs état de “réflexions, notamment techniques, concernant son éventuelle extension à d’autres États“.

La CNIL déplore, mais valide

Dans sa délibération sur la prorogation de l’expérimentation du FPA, publiée au Journal Officiel le 31 mars 2011, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) regrette tout d’abord de n’avoir été informée qu’avec plusieurs mois de retard des modifications effectuées dans le fichier, et notamment de la liste des “provenances et destinations situées dans des États n’appartenant pas à l’Union européenne concernées par le FPA“, alors qu’elle “doit lui être communiquée sans délai“.

La CNIL déplore aussi et surtout que le gouvernement n’ait toujours pas réussi, au bout de quatre ans, à démontrer ce pour quoi pouvait bien servir ce fichier :

La commission observe que l’expérimentation du Fichier des passagers aériens est en cours (en France, NDLR) depuis plus de quatre ans, sans pour autant que l’effectivité du dispositif ait été clairement démontrée.

La CNIL “observe également que le taux d’alertes FPR erronées demeure anormalement élevé“, mais ne s’étend aucunement sur les effets engendrés par ces erreurs, se bornant à relever que “le ministère de l’Intérieur indique avoir mis en place un système de recherche phonétique, afin d’améliorer les performances du rapprochement des données enregistrées“.

La situation pourrait cela dit être pire : le raccordement du FPA avec le Système d’information Schengen, qui contiendrait plus d’1,2 M de signalements d’individus recherchés, “sera réalisé dans le courant de l’année 2011“, le FPR ne répertoriant, lui, “que406 849 fiches de personnes recherchées.

La CNIL relève également qu’un certain nombre de transporteurs sont dans l’impossibilité de “respecter la norme sécurisée de transmission des données“, et donc leur confidentialité, pourtant garantie par la loi informatique et libertés qu’elle est chargée d’incarner.

La CNIL souligne enfin que les documents censés informer les passagers des “modalités d’exercice des droits d’accès et de rectification“, prévus par la loi, ne lui ont jamais été transmis.

En conséquence de quoi la CNIL “prend acte des conclusions du bilan” dressé par le gouvernement et “selon lesquelles” :

Il est considéré nécessaire de poursuivre l’expérimentation du FPA jusqu’au 31 décembre 2011, afin de réaliser des travaux d’amélioration technique qui permettront d’aboutir à un outil opérationnel plus performant, évolutif, et capable de traiter un volume de données plus important ainsi que de préparer une future plate-forme française de traitement de données relatives aux passagers dans le cadre de la mise en œuvre d’un futur système APIS-PNR basé sur une réglementation européenne, actuellement en cours de discussion.

Depuis la révision de la loi informatique et libertés, en 2004, le gouvernement n’a plus a tenir compte de l’avis de la CNIL. Sa seule obligation : le publier au Journal Officiel… d’où une explosion du nombre de fichiers policiers : + 169% depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, en 2002.


Retrouvez l’intégralité des articles de cette “une” spéciale surveillance :
Le fichier français des passagers aériens ne respecte pas la loi informatique et libertés
La conservation des données, ça c’est vraiment CEPD
SWIFT, ou l’espionnage légalisé des flux financiers par les USA
La France, championne d’Europe de la surveillance des télécommunications
Photos CC Fotofilius et Stéfan Le Dû, issues de sa mémorable série sur les Stormtroopers.

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Allemagne recherche immigrés de l’Est, désespérément http://owni.fr/2011/05/09/allemagne-recherche-immigres-de-lest-desesperement/ http://owni.fr/2011/05/09/allemagne-recherche-immigres-de-lest-desesperement/#comments Mon, 09 May 2011 08:30:21 +0000 Laurence Estival http://owni.fr/?p=61822 Comme l’Autriche qui a publié des chiffres la semaine dernière, l’Allemagne attend avec sérénité l’arrivée de salariés en provenance des pays membres de l’Union européenne qui ont adhéré en 2004 – la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Pologne, la Hongrie, Chypre, Malte, la Lettonie, la Lituanie et Estonie – et qui pourront donc à partir du 1er mai prochain circuler librement en Europe.

Pénurie de main d’oeuvre contre diabolisation de l’immigration

Selon une étude de l’Institut de l’économie allemande (IW) de Cologne [DE], d’ici 2020, 1,2 million de personnes sont ainsi attendues. 800.000 personnes devraient venir s’installer dans le pays d’ici la fin 2012, le flux migratoire devant se ralentir par la suite. Par comparaison, l’IW rappelle que dans les années 90, la chute du mur de Berlin s’était traduite par l’arrivée de 3,3 millions de personnes en provenance des anciennes démocraties populaires, hors RDA.

Les projections de l’institut IW sont confirmées par le responsable de l’agence fédérale pour l’emploi, Frank-Jürgen Weise, qui table sur 140 000 immigrants supplémentaires par an quand le commissaire européen pour l’emploi et les affaires sociales, Laszlo Andor estime que 100.000 salariés par an pourraient être s’installer outre-Rhin.

Frontière germano-polonaise : la ministre du travail Jolanta Fedak estime que 300.000 à 400.000 Polonais, au maximum, pourrait profiter de l'ouverture du marché en place depuis le 1er mai.

Critiquant ces scénarios négatifs diabolisant des hordes de migrants venus de l’Est pour l’essentiel, la ministre du Travail, Ursula von der Leyen a rappelé qu’il n’y a pas « le moindre indice allant dans ce sens. Je vois dans la libéralisation du marché du travail au contraire plus de chance que de risque ». Dans un pays qui souffre déjà de pénuries de main-d’œuvre, ces travailleurs supplémentaires tombent à pic, comme le confirme Michael Hüther, le directeur de l’institut IW.

La croissance économique actuelle va nécessiter des besoins supplémentaires de main-d’œuvre.

L’Ouest moins attractif qu’auparavant, un risque pour l’Allemagne

Le directeur de l’agence fédérale pour l’emploi, Frank-Jürgen Weise, cité par le quotidien Rheinischen Post, estime même que les immigrés attendus ne seront pas assez nombreux pour répondre aux besoins des entreprises.

Le problème est que l’Allemagne est beaucoup moins attractive que ce que beaucoup d’Allemands pensent. Les jeunes diplômés polonais très qualifiés préfèrent aller au Royaume-Uni.

Les salariés des pays d’Europe centrale et orientale ne seraient pas, non plus, spécialement disposés à franchir la frontière, réfléchissant à deux fois avant de quitter leur pays où les conditions de vie et les niveaux de salaire se sont appréciés au cours de ces dernières années. A titre d’exemple la ministre du travail polonaise Jolanta Fedak estime qu’au maximum 300.000 à 400.000 Polonais par an pourraient profiter de l’ouverture totale des frontières pour aller vivre ailleurs en Europe.

Ces pronostics laissent les salariés allemands sceptiques. Selon de récents sondages, ils sont 40 % à craindre la concurrence de leurs voisins de l’Est sur le marché du travail. De même que les syndicats qui mettent en avant le risque de dumping salarial des Polonais et des Tchèques qui seraient prêts à accepter des rémunérations moins élevées en passant la frontière chaque jour pour aller travailler en Allemagne, tout en vivant dans leur pays où le coût de la vie reste beaucoup moins élevé.

Article publié initialement sur MyEurop sous le titre L’Allemagne attend avec impatience les immigrés de l’Est.

Photo FlickR CC : Kewagi ; Tobias Bullert.

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Tout sur l’espace Schengen http://owni.fr/2011/05/01/tout-sur-lespace-schengen/ http://owni.fr/2011/05/01/tout-sur-lespace-schengen/#comments Sun, 01 May 2011 08:00:03 +0000 Thomas Ferenczi http://owni.fr/?p=60097 La Commission européenne a jugé que la France n’avait pas manqué aux règles qui régissent ses relations avec ses voisins européens en bloquant pendant six heures, dimanche 17 avril, à la frontière franco-italienne, un train qui transportait des immigrés tunisiens, accompagnés de manifestants. La commissaire Cecilia Malmström a accepté l’argument du ministre français de l’intérieur, Claude Guéant, selon lequel il s’agissait d’une interruption « très temporaire », dictée par un souci d’ordre public. La Commission européenne n’a pas non plus remis en cause le droit reconnu à la France de refouler, le cas échéant, une partie de ces candidats à l’entrée sur son territoire, alors même qu’ils bénéficient d’un permis de séjour délivré par les autorités italiennes et, à ce titre, en application des accords de Schengen, sont théoriquement autorisés à circuler librement dans l’ensemble de l’Union européenne.

Les accords de Schengen, signés en 1985 par la France, l’Allemagne et les pays du Benelux, ont été étendus ensuite à la plupart des pays européens : ils sont appliqués par 22 États-membres de l’UE sur 27 (les exceptions sont la Grande-Bretagne, l’Irlande, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie) et par trois pays extérieurs (l’Islande, la Norvège et la Suisse). Ces accords ont supprimé les contrôles aux frontières intérieures de l’UE. Autrement dit, en principe, tout ressortissant étranger admis régulièrement dans un des pays de l’Union peut se rendre en toute liberté dans un autre. Selon cette disposition, les Tunisiens qui bénéficient d’un titre de séjour en Italie devraient pouvoir entrer en France sans difficultés.

Restrictions

Il existe toutefois deux réserves à cette liberté. D’une part, si les contrôles systématiques aux frontières ont été supprimés par les accords de Schengen, des contrôles volants sont toujours possibles dans la zone frontalière. D’autre part, selon ces mêmes accords, il ne suffit pas aux étrangers non communautaires d’être munis d’un visa ou d’un titre de séjour en règle, il leur faut aussi, pour circuler dans l’Union, être en possession d’un passeport, justifier de ressources suffisantes pour assurer leur subsistance et disposer d’une assurance pour couvrir des frais éventuellement de soins d’urgence ou de rapatriement sanitaire (article 5 de la convention d’application). À cela s’ajoute l’obligation faite aux ressortissants des pays tiers admis dans un État de l’UE et désireux d’entrer dans un autre de se déclarer aux autorités compétentes de cet autre État.

Les accords de Schengen prévoient encore deux dispositions qui n’ont pas été invoquées à l’occasion du contentieux franco-italien mais qui pourraient l’être. L’une prévoit le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures « lorsque l’ordre public ou la sécurité l’exigent » (article 2). L’autre stipule qu’un pays peut accueillir « pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales » des immigrés qui ne répondent pas aux conditions requises mais que dans ce cas l’admission est limitée au pays d’accueil (articles 5 et 16).

La liberté de circulation instituée par les accords de Schengen a pour contrepartie le renforcement de la coopération policière entre les États-membres. Celle-ci a été organisée par une série d’accords bilatéraux entre la France et ses voisins. L’accord franco-italien de 1997 a mis en place deux centres de coopération policière et douanière, l’un à Vintimille, l’autre à Modane, qui ont notamment pour mission de lutter contre l’immigration clandestine, de surveiller la zone frontalière, de prévenir les menaces à l’ordre et à la sécurité publique. Au cours du sommet franco-italien du mardi 26 avril, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi se sont entendus pour demander un renforcement des règles de Schengen.

Billet initialement publié sur Boulevard Extérieur sous le titre : “Schengen mode d’emploi”


Crédits Photo FlickR by UggBoy♥UggGirl // Wikimedia Commons CC

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Du cyberespace sécurisé à une “frontière virtuelle Schengen” http://owni.fr/2011/04/29/conseil-union-europeenne-hongrie-frontiere-virtuelle-schengen/ http://owni.fr/2011/04/29/conseil-union-europeenne-hongrie-frontiere-virtuelle-schengen/#comments Fri, 29 Apr 2011 10:25:17 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=59972 MaJ du 26/05/2011 : EDRI, une ONG de défense des libertés sur l’internet, s’est procuré une présentation plus complète du dispositif. Objectif, comme le rapporte l’article de Vincent Truffy (abonnés) sur Mediapart :

passer dans les pays de l’Union d’un accès à un Internet ouvert – et éventuellement dangereux – à un intranet sécurisé qui, faute d’empêcher les «contenus illégaux», les rendrait invisibles au plus grand nombre en empêchant les internautes de se connecter aux sites inscrits sur une liste noire.

Les citoyens européens seraient-ils plus en sécurité s’ils naviguaient, non pas sur l’internet, mais sur un intranet sécurisé ? Si, à la manière de l’internet chinois, les fournisseurs d’accès étaient non seulement charger de filtrer l’internet, mais également de surveiller les “points d’entrée virtuels” sur l’internet européen, à la manière d’un cyberespace Schengen ?

La proposition [.pdf], très sérieuse, a été faite mi-février par la présidence du LEWP (Law Enforcement Working Party), un groupe de travail au sein du Conseil Justice et affaires intérieures de l’Union européenne. Dirigé par le pays qui occupe la présidence du Conseil de l’UE (en l’espèce, la Hongrie), le LEWP est considéré comme “un maillon important dans la législation européenne” dont l’importance “est peu susceptible d’être surestimée“.

Cybercrime

La présidence du LEWP a présenté son intention de proposer des mesures concrètes visant la création d’un cyberespace sécurisé européen doté d’une sorte de “frontière virtuelle Schengen” et de “points d’entrée virtuels” au moyen desquels les fournisseurs d’accès à internet (FAI) pourraient bloquer les contenus illicites basés sur une “liste noire” européenne. Les délégations ont également été informées qu’une conférence sur le cyber-crime se tiendrait à Budapest les 12 et 13 avril 2011.

L’information, repérée par l’ONG Statewatch, vient d’être relayée par le journaliste Glyn Moody qui, passé l’étonnement de voir qu’il se trouve encore des gens, en 2011, pour employer le terme de “cyberespace“, résume le projet en évoquant une improbable et impossible “imposition de la censure à l’échelle européenne” :

Ils n’ont qu’à regarder la porosité de la Grande Muraille (virtuelle) de Chine, qui a pourtant été créée et perfectionnée par des experts possédant d’énormes ressources.
Le fait que les «listes noires» (a) ne fonctionnent pas et (b) sont toujours imparfaites semble ne pas avoir été mesuré par ces corniauds de Bruxelles.
Quand bien même elles fonctionneraient, il est scandaleux que l’Union européenne puisse envisager leur utilisation sans le moindre accès de conscience.

L’affaire fait également les choux gras des médias germaniques. Interrogé par DiePresse, Andreas Wildberger, secrétaire général de l’association des FAI autrichiens, qualifie la proposition de “tout à fait absurde” et de techniquement impossible à mettre en œuvre.

Sur Heise, Jimmy Shulz, député FDP responsable de la commission parlementaire allemande sur l’internet et la société numérique, qualifie lui aussi la proposition de “non-sens complet” et de “non-sens technique“, tout en brocardant ces “bureaucrates de Bruxelles” qui veulent ainsi s’inspirer de la censure en œuvre en Chine pour faire de l’internet un espace aussi “propre que Disneyland“…

Il est impressionnant de voir le nombre d’organisations qui poussent à la mise en œuvre d’une solution Internet à la chinoise“, s’étonne de son côté un représentant de Censorship AK, une organisation lutte contre la censure sur l’internet. Sur son blog, l’ONG imagine ainsi ce que serait un Internet où tout ce qui ne serait pas autorisé serait bloqué, tel que le mot “enfant” dans une URL, marque déposée par la société Ferrero…


Photo via FlickR CC by-nc-sa loehrwald

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http://owni.fr/2011/04/29/conseil-union-europeenne-hongrie-frontiere-virtuelle-schengen/feed/ 12
“La liberté de circulation s’impose comme une évidence” http://owni.fr/2011/02/18/la-liberte-de-circulation-s%e2%80%99impose-comme-une-evidence/ http://owni.fr/2011/02/18/la-liberte-de-circulation-s%e2%80%99impose-comme-une-evidence/#comments Fri, 18 Feb 2011 15:36:23 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=47508

Pourquoi compter les morts de la migration ? Pourquoi se livrer à cette comptabilité macabre en tentant, en l’absence de données officielles, de rassembler les chiffres que parviennent difficilement à recueillir les ONG ?

Parce que les victimes de la « guerre aux migrants » sont aujourd’hui une composante indissociable de la politique migratoire menée par l’Europe à ses frontières. Et parce qu’il est indispensable de donner une lisibilité à une situation trop souvent réduite à la fatalité ou au fait divers.

La carte mémoriale des “morts aux frontières de l’Europe publiée par OWNI à partir des données compilées par l’ONG United soulève un certain nombre de questions, auxquelles avaient déjà tenté de répondre trois spécialistes des migrations dans un article intitulé “Compter les morts” publié en 2008 dans la revue Plein droit du Gisti, une association spécialiste du droit des étrangers.

S’il n’existe pas de données officielles concernant le nombre de personnes mortes en migration aux frontières européennes, “d’après les ONG qui tentent de recenser le phénomène, ce nombre serait passé, entre le début des années 1990 et le début des années 2000, de quelques dizaines à plusieurs centaines par an“. Cette évolution dépend, non seulement des vagues de migrations, mais également de l’attention, grandissante, des médias et des associations à l’endroit de ces “morts aux frontières” : 459 morts en 1996, 654 en l’an 2000, en 2003, 2000 en 2006, date à laquelle United en avait répertoriés 8855, depuis 1993.

Depuis, le nombre de morts est en décrue : 1785 en 2007, 1430 en 2009, et 208 “seulement” en 2010. Mais ces chiffres ne donnent qu’une vue partielle de la réalité, soulignent les auteurs de l’article, Emmanuel Blanchard, enseignant en sciences économiques et sociales, Olivier Clochard, le géographe qui a conçu la carte de l’externalisation du contrôle des frontières européennes pour Le Monde Diplomatique, et Claire Rodier, juriste au Gisti et présidente du réseau Migreurop, créé en 2002 suite à un séminaire sur « l’Europe des camps » par des militants et chercheurs “dont l’objectif est de faire connaître la généralisation de l’enfermement des étrangers dépourvus de titre de séjour

Pour ces trois spécialistes de la question, “une évaluation très approximative laisse penser que ce chiffre devrait au moins être multiplié par deux ou trois, voire plus encore“, dans la mesure où, pour les noyés par exemple, on ne recense que ceux dont les corps échouent sur les plages, pas ceux qui ont coulé…

Pour la seule année 2006, au cours de laquelle 600 cadavres ont été retrouvés sur les côtes canariennes, un responsable des services d’immigration de ces îles espagnoles estime que le nombre total de migrants noyés entre la côte africaine et les Canaries serait dix fois supérieur.

Une estimation confirmée par le directeur du Croissant rouge mauritanien, qui compare la traversée Mauritanie-Espagne à « un jeu de roulette russe ».

Le décompte est également faussé du fait que de nombreux de pêcheurs travaillant dans le périmètre Malte-Libye-Tunisie-Sicile préfèrent détourner leur route plutôt que de porter assistance aux naufragés :

Parfois, des cadavres humains s’accrochent aux filets. Généralement, on a ordre de les rejeter. Ce qui vient de la mer, on le rend à la mer : c’est ce que dit le capitaine.

Les contrôles ne dissuadent pas : ils accentuent la dangerosité des traversées

Dans le même temps, plus la pression et les contrôles des polices aux frontières se font pressants, plus les passeurs prennent des risques dans les trajets qu’ils font prendre aux migrants. Ainsi, notent les trois spécialistes, les patrouilles maritimes déployées par l’agence européenne Frontex afin de déjouer les tentatives de migration irrégulière en Méditerranée ont un succès très relatif, en tout cas paradoxal :

Fin août 2007, le ministre de l’intérieur espagnol annonçait une diminution des arrivées aux îles Canaries de cayucos, ces barques sur lesquelles embarquent les boat people depuis les rives africaines, de l’ordre de 70 % en un an.

Au cours de la même période, le nombre de cadavres retrouvés sur les côtes canariennes a augmenté, lui, de presque 50 %.

Les opérations d’interception maritime mises en oeuvre par Frontex ont donc moins pour effet de dissuader les départs que d’accentuer la dangerosité des traversées.

Ce qui rend d’autant plus pressant et important le fait de dénombrer le nombre de migrants morts aux frontières, afin d’aller au-delà de la fatalité ou bien du fait divers :

La guerre aux migrants passe ainsi du registre de la métaphore à celui d’un contexte dont les conséquences doivent être documentées. L’impossible dénombrement est alors l’auxiliaire d’un nécessaire déchiffrage.

Il s’agit aussi d’une forme d’exigence morale, et d’un hommage à rendre aux victimes. (…) Faire la somme des vies sacrifiées sur l’autel du « risque migratoire » est une autre manière de donner une existence à ces morts sans nom.

Dans un dossier publié en décembre 2010 dans Plein droit, les trois mêmes auteurs reviennent sur la multiplication des contrôles des flux migratoires et des dispositifs « anti-immigration » qui, depuis les années 90, tentent de juguler des flux d’« indésirables », soulignant que “depuis 1991 et, notamment, l’éclatement de l’URSS, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie, 26 000 km de frontières ont été instituées dans le monde” :

La première image d’une frontière est souvent celle d’une barrière et de guérites (les postes frontières), voire celle d’un mur ou d’une clôture grillagée surmontée de fils barbelés et ponctuée de check points. Cette représentation linéaire – renvoyant notamment au rideau de fer qui a séparé l’Europe pendant près de trente ans – n’a pas disparu.

(Mais) depuis que l’immigration est de plus en plus soumise aux contrôles administratifs, les frontières se sont déplacées des guérites des limites nationales aux guichets des centres-villes.

La lutte contre l’immigration est aussi un marché lucratif

Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette évolution, nous avons posé quelques questions à Claire Rodier.

Vous évoquez la multiplication des contrôles des flux migratoires depuis les années 90, afin de “juguler des flux d’indésirables”, le fait que nous serions passé de la notion de réfugiés ou de migrants à celles de “sans-papiers” ou d’”indésirables” : de quand date le tournant exactement, et à quoi correspond-il ?

Claire Rodier : Il faut en revenir à la signature de la Convention de Schengen en 1990, qui vise à faciliter la circulation à l’intérieur de l’espace composé des pays signataires, et qui, en contrepartie, permet de renforcer les contrôles aux frontières extérieures.

Le principe de Schengen sera repris à l’échelle de tous les pays de l’Union européenne à partir de 1999 : l’UE est un vaste espace sans frontières intérieures où les citoyens européens (pas les autres) peuvent circuler librement mais dont, pour assurer la sécurité, il faut verrouiller et surveiller les frontières.

D’où l’installation progressive de l’idée d’un envahisseur dont il faut se protéger : il est migrant, terroriste (à partir du 11 septembre) et, de plus en plus, faux demandeur d’asile.

Toutes les lois européennes adoptées à partir des années 2000 en matière d’immigration et d’asile -c’est à partir de cette date qu’on a “communautarisé ces politiques“, qui sont devenues des politiques communes de l’UE – sont fondées sur cette lutte contre l’ennemi extérieur… qui est parfois aussi l’ennemi intérieur, cf par exemple le traitement de la question des Roms en Italie et en France.

Vous écrivez que les frontières sont de plus en plus technologiques, administratives, externalisées au privé, délocalisées dans les pays d’origine des migrants : vers quoi s’oriente-t-on aujourd’hui, et jusqu’où pensez-vous que cela va pouvoir aller ?

Claire Rodier : Je pense que le processus va d’autant plus s’intensifier que c’est un marché lucratif, indépendamment de l’efficacité des techniques déployées. Il n’est qu’à voir par exemple l’augmentation spectaculaire du budget de l’agence Frontex depuis sa création. Ce processus répond donc à des intérêts qui dépassent largement la question migratoire.

Quant à l’externalisation/délocalisation des contrôles, qui mettent à distance leur matérialité (par exemple quand ce sont les fonctionnaires mauritaniens ou ukrainiens qui empêchent les migrants de se rendre en Europe), elle s’inscrit dans le cadre du rapport de force entre les pays européens et ceux qui acceptent de collaborer à leur politique migratoire, rapport de nature différente selon les cas.

On est ainsi dans le registre post-colonial avec le Maghreb et l’Afrique de l’ouest, qui n’ont guère de marge de manoeuvre pour résister à la pression (à l’exception, pour l’instant, du Mali), du chantage avec les pays de l’ex bloc soviétique à qui l’on tend la carotte de l’adhésion à l’UE pour obtenir qu’ils jouent les garde-frontières, du donnant-donnant avec la Libye… C’est donc plutôt dans l’analyse géopolitique du rapport entre l’UE et ses voisins qu’il faut chercher à lire les orientations futures de sa politique migratoire.

Vous évoquez un processus de “criminalisation de l’immigration” qui, contournant les conventions internationales, met à néant “le droit d’avoir des droits” : que serait, selon vous, une politique d’immigration respectueuse des droits de l’homme ?

La liberté de circulation ! Pour qui prend le temps de peser tous les éléments du débat, la liberté de circulation s’impose comme une évidence. En 2009, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) a ainsi enfoncé le clou, en proposant, démonstrations chiffrées à l’appui, de réformer les politiques en matière de migration en vue de « lever les barrières » pour ouvrir les voies d’entrée aux migrants.

Finalement, les seuls qui restent en retrait de cette prise de conscience de la nécessité de fluidifier les frontières, qui prennent le contre-pied de ces recommandations de bon sens, ce sont les gouvernants des pays industrialisés. Depuis qu’elle a « communautarisé » sa politique d’immigration, l’Europe en a progressivement restreint le champ à une approche sécuritaire.

L’agence Frontex, qui double les frontières physiques de l’Union européenne d’une frontière virtuelle surveillée par des radars, des hélicoptères et des patrouilles maritimes destinés à repousser les migrants, est le symbole de cette évolution à contre-courant. Figés dans leurs réflexes défensifs, obsédés par la préservation de leur souveraineté, ceux qui définissent aujourd’hui les politiques migratoires brandissent pour les justifier la menace de l’invasion qu’entraînerait un monde sans frontières.

Pourtant, instaurer la liberté de circulation n’implique pas de supprimer les frontières. Celles-ci existent, leur disparition n’est pas à l’ordre du jour, et elles ont leur fonction dans l’organisation du monde. Mais cette fonction n’est pas forcément d’être un obstacle, une barrière : ce n’est pas parce qu’ils ont des frontières que les États sont contraints de les fermer. Au contraire : ce qui n’est pas réaliste, c’est une politique d’immigration fondée sur la fermeture des frontières.


Voir aussi :
[APP] Mémorial des morts aux frontières de l’Europe
“La liberté de circulation s’impose comme une évidence”
Ceuta, tombeau du rêve européen

Ceux qui voudraient en savoir plus pourront se référer au texte de Claire Rodier, Instaurer la liberté d’aller et venir, repris dans l’anthologie sur Gisti intitulée Liberté de circulation : un droit, quelles politiques ?.

Illustration : refugiés kosovars CC Nations Unies.

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[APP] Mémorial des morts aux frontières de l’Europe http://owni.fr/2011/02/18/app-la-carte-des-morts-aux-frontieres-de-leurope/ http://owni.fr/2011/02/18/app-la-carte-des-morts-aux-frontieres-de-leurope/#comments Fri, 18 Feb 2011 13:08:28 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=47365

Plus de 5 000 réfugiés ont débarqué à Lampedusa, île italienne située entre Malte et la Tunisie, depuis le début de l’année. La situation est d’autant plus critique, souligne l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), que l’île, forte de 5 000 habitants, ne peut a priori accueillir que 800 réfugiés.

Dans un communiqué, United for Intercultural Action, une ONG de défense des droits des migrants et des réfugiés, rappelle de son côté que depuis 1993, 857 réfugiés au moins sont morts en tentant de rejoindre Lampedusa. Depuis le début de l’année, United a d’ores et déjà recensé 6 morts, et 31 disparus, un bilan qui risque fort de s’aggraver, si l’on en croit ce qui s’est passé le 11 février dernier :

Des garde-côtes tunisiens ont été vus en train d’éperonner délibérément un bateau ironiquement nommé “Liberté 302″ et transportant 120 passagers jusqu’à le scinder en deux; les corps de 5 migrants ont à ce jour été récupérés, mais il en manque encore des dizaines.

United, qui compile depuis 1992 articles de presse et signalements effectués par des ONG, journalistes, universitaires, sources gouvernementales, etc., a dénombré plus de 14 000 “morts aux frontières de l’Europe” depuis 1988.

La majeure partie, plus de 11 000, sont morts avant même d’entrer sur le territoire européen, dont 4 696 en Afrique. Près de 10 000 sont morts noyés, dans la Méditerranée, lors du naufrage de leurs bateaux, mis à l’eau par leurs passeurs, en pleine mer ou à l’approche de la côte, ou fuyant les policiers qui cherchaient à les interpeller.

  • 864 sont morts de soif ou de faim, la majorité, perdue dans le désert, ou dans une embarcation à la dérive,
  • près de 300 sont morts étouffés dans un camion,
  • 254 ont été assassinés,
  • plus de 250 écrasés en traversant une route ou en tombant d’un camion,
  • 215 sont morts de froid,
  • 138 des 335 suicidés ont opté pour la pendaison, 4 sont morts en grève de la faim et 33 par immolation.

No Border, de son côté, en répertorie 3899, mais Fortress Europe, dont la base de données remonte à 1988, 14 921, dont 10 952 en mer, et 1 691 dans le désert du Sahara…

Cette disparité de chiffres montre bien qu’il est impossible de recenser réellement la totalité des migrants morts pour avoir voulu trouver refuge en Europe. United estime d’ailleurs que le chiffre réel pourrait être trois fois plus important.

14 000 en Europe, plus 4 500 aux Comores

Pour s’en convaincre, il suffit de voir qu’United ne recense ainsi que quelques dizaines de morts à Mayotte, là où Fortress Europe en répertorie de son côté 629, noyés pour la plupart en voulant passer des Comores à la collectivité d’outre-mer française, et alors même qu’un rapport sénatorial datant de 2001 “estime à 4.000 le nombre de morts dus à des naufrages de Kwasa-kwasa, ces barques souvent surchargées servant à transporter des clandestins…” le site Stop Kwassa avançant, de son côté, le chiffre de 4500 morts noyés.

D’après un rapport [pdf] de la Cour des comptes, la situation se serait depuis quelque peu améliorée : “quatre naufrages par an en moyenne depuis 2007 sont à déplorer. Les disparitions et décès en mer sont élevés quoique en diminution (64 en 2007, 47 en 2008, 35 en 2009)“. Mais le rapport note cependant que “cette forte pression migratoire risque de s’accroître encore sous l’effet de la départementalisation“.

De plus, nombreux sont les morts qui ne sont pas répertoriés, parce que leurs corps n’ont pas été retrouvés, ou que leur mort a été cachée, comme ce fut le cas lors d’une terrible tempête dans la nuit de Noël 1997, où 283 personnes périrent noyées au large de la Sicile après que leur rafiot fut éperonné par un bateau-poubelle lui aussi rempli de candidats à l’exil. La tragédie ne fut révélée qu’en 2001, lorsqu’un pêcheur brisa l’omerta. Canal+ vient d’ailleurs d’y consacrer un reportage, Méditerranée : Enquête sur un naufrage fantôme.

Pour mieux prendre la mesure de cette tragédie, OWNI a contacté l’ONG United, qui a bien voulu lui transmettre une copie de sa base de données, où elle recense tous ces morts aux frontières, classés par dates, pays, et causes des décès, afin d’en dresser une carte interactive qui vous permettra, en cliquant sur les noms des pays, ou les causes des décès, de suivre leur évolution au fil du temps, mais également de consulter chacun des faits et histoires répertoriés par United.

Cartographie : Olivier Clochard (Migreurop)

Paradoxalement, les “morts aux frontières de l’Europe” meurent essentiellement en Méditerranée, et en Afrique, ce que montrent bien les nombreuses cartographies déjà produites par le Monde Diplomatique; la première en 2004, la seconde en 2010 (voir aussi ce résumé de l’évolution de la situation, et le formidable travail graphique d’Elise Gay à ce sujet).

Cartographie : Philippe Rekacewicz (Le monde diplomatique)

Certains se souviennent peut-être de ces 58 Chinois découverts morts étouffés dans un camion à Douvres, en juin 2000. La lecture de la base de données montre à quel point leur cas est loin d’être isolé. Et parce qu’il ne peut être question que de chiffres, de statistiques, de courbes et de graphiques, voici, compilées, quelques-unes de ces histoires de réfugiés “morts aux frontières de l’Europe“, témoignant de la brutalité et des ravages causés par ce que plusieurs ONG d’aide et de défense des migrants n’hésitent pas à qualifier de “guerre aux migrants“.

On l’a vu, la majeure partie des migrants meurent noyés. L’une des pires tragédies se déroula le 29 mars 2009, lorsque trois embarcations de fortune, en partance pour l’Italie, coulèrent au large de la Libye. D’après l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 300 hommes, femmes et enfants auraient péri dans le naufrage, mais le chiffre serait en fait bien plus important, à en croire le témoignage d’un survivant, qui expliqua aux autorités libyennes que le bateau dans lequel il était monté, censé accueillir 75 personnes, en avaient embarqué 365.

235 migrants tués par les policiers

Les noyades ne sont pas toutes forcément dues aux mauvaises conditions climatiques, ou au surpeuplement des embarcations. Ainsi, en mars 1997, 87 Albanais se noient après que leur embarcation soit entrée en collision avec un bateau militaire italien. En mai 2000, 32 réfugiés meurent dans le naufrage de leur embarcation près de Tanger : les autorités ne font rien pour les secourir. En 2008, 36 Africains -dont 4 bébés- meurent noyés après que les garde-côtes marocains aient crevé d’un coup de couteau leur canot pneumatique…

En août 2002, 16 Africains meurent noyés après que leur bateau ait chaviré lors d’une manœuvre destinée à échapper au contrôle du Système Intégré de Surveillance Extérieure (S.I.V.E.), monstre des mers et “dispositif très complexe de surveillance des frontières intégrant bandes vidéo, liaison satellitaire, radars, caméras thermiques et infrarouges, appuyé par des unités d’intervention par hélicoptères et maritimes“.

Nombreux sont également ceux qui meurent de froid, de soif ou de faim. En octobre 2003, on retrouve 5 cadavres, morts de froid, dans un camion frigorifique incendié, puis 12 Somaliens, morts de froid et de faim, dans un bateau parti de Libye vers Lampedusa, après avoir passé 20 jours sans manger. Le capitaine est par ailleurs accusé d’avoir jeté 50 autres cadavres par-dessus bord.

En août 2008, 56 subsahariens meurent de soif dans le Sahara après y être restés bloqués 10 jours sans eau suite, à une panne d’essence. En janvier 2010, L’Espresso avait ainsi publié cette vidéo où l’on voit, à la fin, deux Africains déshydratés, mais en vie, et la triste cohorte de tous ceux qui, par contre, n’ont pas survécu à leur traversé du Sahara [attention : images explicites].

Plusieurs centaines de réfugiés ont par ailleurs été les victimes directes des dispositifs mis en place pour leur interdire l’entrée sur le territoire européen, à l’instar de ces 11 réfugiés morts brûlés dans l’incendie d’un centre de rétention à l’aéroport Schiphol, aux Pays-Bas :

  • 73 personnes sont mortes dans des champs de mines,
  • 63 ont été tuées, ou sont portées disparues, après leur déportation,
  • 110 sont mortes dans des centres de rétention,
  • 48 en garde à vue, et 57 en prison… alors même qu’elles étaient pourtant censées être, sinon sous la protection, tout du moins sous la responsabilité des autorités.

Fortress Europe estime que 235 migrants sont morts tués par des policiers aux frontières, “dont 37 aux enclaves espagnoles au Maroc, Ceuta et Melilla, 50 en Gambie, 75 en Égypte et 33 en Turquie, le long de la frontière avec l’Iran et l’Iraq. Ainsi, en septembre 2003, Vullnet Bytyci, un Albanais de 18 ans, est tué par un garde-frontière grec, ce qui lui valu d’être condamné à une peine de deux ans et trois mois d’emprisonnement avec sursis. Amnesty International avait dans la foulée dénoncé 6 autres affaires révélant les “mauvais traitements” auxquels furent soumis plusieurs autres réfugiés, battus, roués de coups et dépouillés, par des garde-frontières cette semaine-là.

Le 8 octobre 2009, entre 6 et 38 Somaliens sont tués par les policiers libyens en tentant de fuir le camp où ils étaient internés. Déjà, en septembre-octobre 2000, 560 étrangers avaient été tués par les autorités libyennes lors d’affrontements racistes.

Tschianana, Mariame, Israfil, Manuel, Osamyia et les autres

Si la quasi-totalité de la base de données porte sur des anonymes, quelques entrées comportent les noms et prénoms de certains de ces “morts aux frontières“. Occasion, sinon de mettre un visage, tout du moins d’humaniser quelque peu cette longue litanie.

  • En 2004, Tschianana Nguya, une Congolaise de 34 ans, malade, enceinte et maman de deux enfants de 2 et 10 ans, est arrêtée en allant se soigner, et renvoyée dans son pays par les autorités allemandes. Immédiatement arrêtée par la police, internée dans un camp militaire, elle meurt, et son bébé avec, en accouchant, laissant son mari, et son plus grand fils de 16 ans, “quelque part en Europe“.
  • En janvier 2003, Mariame Getu Hagos, un Somalien de 24 ans, meurt dans l’avion qui le reconduisait en Afrique après que les policiers français aient “usé de la contrainte” pour l’empêcher de se débattre.
  • En mars 2003, Israfil Shiri, un homosexuel iranien de 30 ans, s’immole après s’être vu refuser l’asile en Grande-Bretagne, où il était arrivé caché dans un camion en 2001.
  • En juillet 2005, Laye-Alama Kondé, soupçonné de trafic de drogue et conduit au commissariat de Brême, est menotté à une chaise par deux policiers qui le forcent à avaler des vomitifs, et meurt noyé dans l’eau qu’on le force à ingérer pour pomper le vomitif.
  • En septembre 2005, Manuel Bravo, 30 ans, se suicide par pendaison dans le centre de rétention britannique où il était interné avec son fils de 13 ans après avoir appris qu’il allait être renvoyé en Angola, afin de lui éviter la déportation : en Grande-Bretagne, les mineurs de moins de 18 ans isolés ne peuvent être expulsés.
  • En septembre 2007, Osamyia Aikpitanhi, un Nigérian de 23 ans meurt étouffé par le bâillon que les policiers lui avait mis pour qu’il ne les morde pas dans l’avion qui le reconduisait de l’Espagne au Nigéria.
  • En ce même mois, Chulan Lui, une Chinoise de 51 ans se défenestrait en voulant fuir la police.

D’après la base de données d’United, une cinquantaine d’autres réfugiés sont ainsi morts, “de peur“, en fuyant les autorités.

La révolution, c’est bien, mais de loin

Confronté à l’afflux massif de réfugiés tunisiens à Lampedusa, le gouvernement italien a laissé entendre que des criminels en fuite et des terroristes se faisaient passer pour des demandeurs d’asile, et qu’il fallait “bloquer le flux” des migrants. De son côté, la France a indiqué qu’elle n’accueillerait que des “cas marginaux“.

Le réseau Migreurop, créé en 2002 suite à un séminaire sur « l’Europe des camps » par des militants et chercheurs “dont l’objectif est de faire connaître la généralisation de l’enfermement des étrangers dépourvus de titre de séjour“, dénonce lui aussi la tournure que prend l’accueil des réfugiés tunisiens à Lampedusa :

Brandissant l’argument de l’invasion et de la menace terroriste, l’Italie, qui a déclaré l’état d’urgence humanitaire, réclame l’intervention immédiate d’une mission de l’agence Frontex pour patrouiller au large des côtes tunisiennes et intercepter les embarcations de migrants.

Le réseau Migreurop s’interroge sur les raisons qui ont permis le passage, en quelques jours, de plusieurs bateaux des migrants dans cette zone de la Méditerranée qui était “verrouillée” depuis plusieurs mois à la suite d’accords de coopération conclus entre l’Italie, la Libye et la Tunisie pour le contrôle des frontières maritimes. Qui a intérêt à faire peser la menace du désordre ?

Plutôt que les patrouilles de Frontex et les accords de réadmission, c’est la levée des contrôles migratoires qui doit célébrer le souffle de liberté venu de Tunisie et d’Égypte.

Pour éviter la répétition des tragédies passées, United appelle de son côté le gouvernement italien et les autorités européennes à cesser d’exploiter le spectre d’une explosion de l’immigration maghrébine, et d’appliquer la résolution 1637 du Conseil de l’Europe sur l’accueil des boat people :

Une chose est de soutenir la révolution tunisienne, une autre est de l’accompagner jusqu’à ce que la paix et la stabilité soient restaurées, ce qui inclut le respect des droits de l’homme des Tunisiens, et leur droit fondamental de demander asile.

Carte réalisée par Marion Boucharlat au design et James Lafa au développement. Merci à eux.

Voir aussi la “une” d’OWNI consacrée à ce sujet, et notamment l’entretien avec Claire Rodier, de Migreurop et du Gisti : La liberté de circulation s’impose comme une évidence.

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