OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Bruit, rumeur et information http://owni.fr/2010/03/19/bruit-rumeur-et-information/ http://owni.fr/2010/03/19/bruit-rumeur-et-information/#comments Fri, 19 Mar 2010 09:02:32 +0000 Erwan Alix http://owni.fr/?p=10398 rumeur

Photo CC Yung GrassHopper sur Flickr

Ce 18 mars était une journée animée sur le front de l’info et du web à Rennes. A 11h39, une forte détonation a été entendue dans la ville et alentours. Le web local s’est enflammé. L’occasion de parler de bruit, de rumeur et d’information.

Pensez-vous que cette illustration sert ou dessert le billet ? Je  me pose la question...

Pensez-vous que cette illustration faite à la main sert ou dessert le billet ? Je me pose la question…

Il était donc 11h39 ce matin lorsque de nombreux Rennais ont entendu un gros boum, et pour certains, ressenti une vibration. Dès 11h41, un utilisateur de Twitter demandait si d’autres twitterers avaient entendu ce bruit. Il était retweeté à plusieurs reprises dans l’heure de midi.

J’étais à Chantepie, et moi je n’ai rien entendu. J’ai vu cette rumeur sur Twitter en début d’après-midi, qui m’a mis les sens en alerte… En effet, nous avons eu plusieurs cas similaires dans l’Ouest – avec au final des avions franchissant le mur du son – et à chaque fois, c’est une avalanche de réactions.

Rumeur ou information ?

Vu le tour que les choses prenaient sur Twitter, nous avons cherché à vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un fake. Les nombreux tweets mentionnant l’explosion étaient pour l’essentiel des retweets provenant de deux sources. C’était un peu léger. Nous avons donc cherché à vérifier en appelant des connaissances résidant à l’est de Rennes. Dès le premier coup de fil, une personne de confiance nous a confirmé avoir entendu un boum suivi d’une vibration, en fin de matinée. Simultanément, d’autres personnes témoignaient sur Twitter.
Nous avons donc commencé par mettre en ligne un appel à témoin : « Avez-vous entendu un boum à 11h39 ? », avec les précautions du conditionnel (un bruit aurait été entendu…)… En dix minutes, nous recevons dix témoignages concordants, localisés à Rennes et ses environs. Il y a donc bien eu un bruit.
Nous avons donc augmenté la visibilité de l’appel à réaction, et sollicité les abonnés de notre base par un mail d’alerte, afin qu’ils témoignent. Ça c’est la moitié de notre travail de journaliste web. Dans le même temps, nous nous sommes efforcés d’accomplir l’autre moitié de notre travail : vérifier l’info et trouver l’explication.

Nous avons donc commencé par mettre en ligne un appel à témoin : « Avez-vous entendu un boum à 11h39 ? », avec les précautions du conditionnel (un bruit aurait été entendu…)… En dix minutes, nous avons reçu dix témoignages concordants, localisés à Rennes et ses environs. Il y a donc bien eu un bruit.

Nous avons ensuite augmenté la visibilité de l’appel à réaction, et sollicité les abonnés de notre base par un mail d’alerte, afin qu’ils témoignent. Ça c’est la moitié de notre travail de journaliste web. Dans le même temps, nous nous sommes efforcés d’accomplir l’autre moitié de notre travail : vérifier l’info et trouver l’explication.

Le réflexe traditionnel serait de chercher d’abord à identifier le pourquoi du bruit, pour ensuite rédiger un bel article et édifier les masses ignorantes en leur dévoilant l’origine du boum qu’elles ont entendu. Seulement, la réactivité du web rend aujourd’hui caduque la position des vieux médias (presse, radios, TV) quant à la gestion des rumeurs publiques. Auparavant, lorsque ces médias étaient les seules caisses de résonance, la rumeur restait cantonnée aux cafés du commerce. Maintenant, elle enfle publiquement à grande vitesse via les réseaux sociaux. J’estime que le journaliste ne peut plus prendre le temps de la vérification d’une rumeur dans le silence. Son existence même est une information.

Attention, je parle là d’une rumeur sur un fait survenu dans le domaine public (type « on a entendu un gros boum à Rennes »), pas d’un ragot. En l’occurrence, sans mauvais jeu de mot, il vaudrait mieux parler de « bruit » que de « rumeur », connoté péjorativement.

Nous avons donc naturellement invité nos internautes à parler de ce boum entendu et à livrer leurs témoignages, avant même d’avoir l’explication. Le rôle d’un site web d’info locale est d’être le lieu d’échange et de discussion, d’épanchement aussi pour tous ceux qui ont envie de dire « moi aussi je l’ai entendu ce bruit à 11h39 ! ». J’estime que le nombre de commentaires reçus légitime cette position (plus d’une centaine dans l’après-midi).

Le bruit reste un bruit

Une fois la machine à témoigner lancée, quasi en même temps en fait, nous nous sommes attelés à avoir l’explication de bruit. Les coups de fil au Réseau National de Surveillance Sismique et à l’armée n’ont pas permis de découvrir l’origine de ce boum, entendu de Bédée à Vitré, dans quasiment toute la partie centrale du département. Il faut avouer que nous n’avons pas le carnet d’adresse de certains, et peu de pratique des services de communication de l’armée de l’air. Et si nous sommes sûrs à 95 % qu’il s’agissait d’un avion franchissant le mur du son, nous n’avons pas de version officielle.

Nous avons reçu beaucoup de témoignages, il y a eu plein de tweets, mais comme le souligne très justement Alter1fo, c’était un peu « beaucoup de bruit pour rien » ! La plupart indiquent avoir entendu un bruit à tel ou tel endroit, mais rares sont ceux qui essaient d’ajouter une plus-value. Toute cette agitation 2.0 n’a pas permis d’avoir le pourquoi de la déflagration.

Ce n’était pas non plus complètement inutile. Certains internautes apportaient chez nous des éléments d’information intéressants (précédents de bangs supersoniques, couloirs aériens,…), et la variété des localisations géographiques permettait également de se faire une idée de l’étendue de la zone dans laquelle a été entendu le boum.

Mais le nombre des commentaires n’a pas permis d’avoir l’explication exacte. Et tous autant qu’on est, on attend de voir demain dans Ouest-France s’il y aura une version officielle… Pour l’instant, malgré nos efforts, le bruit est resté un bruit. Sur Alter1fo, du fait de l’absence d’explication, le bruit de ce matin est maintenu au grade de rumeur, dans le billet et dans certains commentaires. Comme s’il n’avait pas vraiment existé, malgré les témoignages.

Ça montre l’une des limites de l’info participative.

EDIT (19/03 – 11h00) : Dans Ouest-France ce matin, un entrefilet tout maigrichon, reprenant les infos ayant circulé en ligne sans mentionner leur origine. Et pas d’explication non plus. Ça montre bien les limites de la presse traditionnelle…

Billet initialement publié sur le blog d’Erwan Alix

Benoît Raphaël a rédigé récemment un billet sur Twitter et la rumeur à propos de “l’affaire Bruni-Biolay”

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http://owni.fr/2010/03/19/bruit-rumeur-et-information/feed/ 1
À modérer avec modération… http://owni.fr/2010/02/18/a-moderer-avec-moderation/ http://owni.fr/2010/02/18/a-moderer-avec-moderation/#comments Thu, 18 Feb 2010 12:45:40 +0000 Erwan Alix http://owni.fr/?p=8474 J'ai choisi cette photo pour illustrer mon profil de modérateur  sur Maville.com... A la fois accueillant et symbole d'autorité, main de  fer dans gant de velours. Classe, non ?

J’ai choisi cette photo pour illustrer mon profil de modérateur sur Maville.com… A la fois accueillant et symbole d’autorité, main de fer dans gant de velours. Classe, non ?


Je travaille sur des sites qui, historiquement, pratiquent la modération a priori. Les commentaires postés par les internautes sont donc relus avant d’être publiés. Nous étions prêts à devenir modernes et libérer la parole des utilisateurs, mais… la Loi et l’Expérience viennent semer le doute dans nos consciences.

En tant qu’internaute, j’enrage depuis des années de voir les commentaires publiés sur Maville.com parfois 48 h après avoir été déposés ! Longtemps, les journalistes du papier ont considéré avec méfiance les réactions d’internautes, ainsi que la direction du groupe Ouest-France, qui craignait que le moindre écart ne serve de cheval de Troie aux syndicats lors des négociations sur le multimédia (droits d’auteur, statut bi-média…). Les mentalités évoluent, mais beaucoup se méfient encore de ce qu’ils appellent avec dédain le « café du commerce » (et pourtant nous sommes le café du commerce !).

Il me paraissait évident qu’il fallait faire sauter cette barrière et passer à une modération a posteriori. Libérons le flot des réactions, le dialogue s’instaurera, les commentaires pleuvront et tout le monde sera content.

L’expérience

Seulement voilà… Sur Maville.com, nous avons récemment fait deux avancées en ce sens, en attendant d’ouvrir les vannes à fond. En mode connecté, un utilisateur enregistré peut écrire comme il veut sur le mur de son profil, et sur celui de ses petits camarades. Tout internaute peut alerter les modérateurs avec le traditionnel bouton « Signalez un abus » qui figure en regard de chaque commentaire. C’est la première avancée.

La seconde avancée réside dans la possibilité donnée aux internautes de réagir à quasiment tous les items présents sur le site (articles, bars, restaurants, films…), avec toujours une modération cependant.

Ces deux progrès ont permis de poser deux constats. Le premier, c’est que l’internaute de base ne comprend rien à la mention « Signaler un abus ». On nous signale tout et n’importe quoi : problème d’abonnement à Ouest-France, mot de passe perdu, et même des tarifs de cinéma trop cher (et ouais, « 9 € la place de ciné, c’est abusé ! »…). Pas sûr que ce soit la panacée comme sécurité…

Le second constat, c’est que sur un site d’infos de proximité, certains commentaires sont franchement gênants. Certains refont les procès, et auraient « mis bien plus » au prévenu. Tout récemment, en Basse-Normandie, deux personnes estimaient que la victime d’un viol jugé en correctionnelle n’était pas si victime que ça, parce qu’une fois bourrée, elle allumait tous les mecs… On tombe dans des cancans et des médisances, hyperlocaux certes, mais impubliables.

D’autres félicitent voire encouragent l’auteur d’un très grand excès de vitesse, ou à l’inverse lui souhaitent de crever la gueule ouverte… Récemment sur Rennes, deux ou trois trolls commentaient systématiquement les infortunes administratives d’une famille de kurdes sans-papiers, sur le mode « qui c’est qui paye, c’est nous » et « on devrait d’abord s’occuper de nous autres les Français que c’est la crise et qu’on a pas d’argent »… Idéal pour instaurer un débat glissant.

Si 95 % des propos tenus par les utilisateurs du site ne posent aucun problème, les 5 % qui frottent avec la ligne éditoriale font réfléchir. En tout cas, a posteriori, il faudra être rapide à faire le ménage.

La loi

Suivant la loi Hadopi, il faudra même être « prompt ». En effet, cette célèbre loi stipule ceci :

Sur les espaces de contribution personnelle des internautes, l’éditeur met en œuvre les dispositifs appropriés de lutte contre les contenus illicites. Ces dispositifs doivent permettre à toute personne de signaler la présence de tels contenus et à l’éditeur de les retirer promptement ou d’en rendre l’accès impossible.

Je ne suis pas juriste, mais vous trouverez une excellente analyse des difficultés que cela pose sur le blog Décryptages. En gros, l’éditeur est responsable des contributions des internautes, et en cas de problème, il doit intervenir « promptement ». Mais que veut dire « promptement » ? Dans la minute, dans l’heure, la semaine, le quadrimestre ? Ce sera à l’appréciation du juge… Et là, je ne parle même pas de la difficulté d’établir le caractère illicite d’un propos, tant les nuances sont parfois ténues.

Ce billet devrait en appeler d’autres sur le sujet… alors à bientôt…

++ La photo d’illustration provient du sublissime blog de Renzo, Sexy People.

> Article initialement publié sur le blog d’Erwan Alix

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