Hadopi: drame dans la maison close et poney rose

Le 6 octobre 2010

Le fournisseur d'accès à Internet Free a décidé de faire la nique à la Haute autorité, alors qu'elle met péniblement en branle la riposte graduée en vantant l'attrait d'une offre légale qui se fait attendre sur l'air des Bisounours.

Journée chargée en actualité aujourd’hui… Déjà, on se rend compte que Delarue n’est pas le seul à avoir des petits problèmes « de santé » quand on voit que des gens (sains d’esprit) ont condamné un seul mec à rembourser 5 milliards d’euros. Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer mais j’ai un vague sentiment que la justice s’américanise pour faire le show au-delà de toute logique et rationalité.

Bref, je ne me risque pas sur ce terrain glissant car je n’ai pas activé TOR… et je préfère revenir à un sujet qui nous fait vraiment marrer : Hadopi !

Déjà, je ne sais pas si vous avez suivi, mais Nathalie Kosciusko-Morizet a déclaré ce matin sur RMC :

Ce qui est important c’est qu’après des mois et des mois de polémique, le système est en place et on va pouvoir passer à autre chose. Ce que je crois c’est qu’on aura gagné la bataille le jour où l’Hadopi ne servira plus à rien. C’est-à-dire le jour où l’offre légale sera tellement chouette, tellement intuitive, tellement mieux, que vous ne vous poserez même pas la question d’aller chercher illégalement d’une manière beaucoup plus compliquée, avec beaucoup moins de qualité.

Tellement « chouette » cette Nathalie… J’ai de la sympathie pour elle car elle porte bien les bottes mais au-delà de ça, j’ai quand même l’impression que le soir, après le boulot, elle remonte sur son petit poney rose, et s’envole au pays des double-rainbows pour invoquer le pouvoir des fleurs, afin qu’un jour, les Hommes se mettent à vivre en paix et puissent télécharger de la musique sous DRM, sans y passer tout leur Smic, sur des plateforme légales, et avec le sourire…

Le problème, c’est que pour le moment, l’offre légale, c’est du Toblerone de poney. Les offres sont moisies et le peu de sites qui sont potables s’en sortent difficilement (genre Deezer), et je ne vous parle pas de Jiwa qui vient de disparaitre… alors que pendant ce temps là, on balance 12 millions d’euros dans l’Hadopi juste pour faire chier les internautes, leurrer les petits artistes et mettre en place l’infrastructure nécessaire au contrôle d’Internet par la classe dirigeante (DPI mon amour, quand vas-tu arriver ?).

Je suis sûr que NKM trouve que Hadopi c’est pas très très gentil, que la fermeture de Jiwa c’est très très très regrettable et que l’offre légale n’est pas pas pas pas assez développée… Mais comme ma soeur Anne qui ne voit rien venir, je commence à désespérer de voir un jour une « offre légale chouette » et le peu d’espoir que j’avais placé dans la « reine des geeks » pour remonter le niveau de bon sens du gouvernement, commence à disparaitre comme neige au soleil en grande partie à cause de son inaction (ou des batons qu’on lui met dans les roues ? Comment savoir ?).

Moi aussi j’aimerais guérir le monde de sa tristesse avec des bisous de bisounours…

Au-delà de ça, ce qui m’a quand même interpellé aujourd’hui, c’est que tous les FAI ont collaboré avec la Haute autorité en balançant lâchement leurs abonnés trop neuneus pour télécharger leurs compils NRJ sans chiffrement. Limite, ils y sont allés de bon coeur et pour certains, en avance sur le planning…

Free joue sur le flou de la loi

Tous les FAI ? Non, car un seul FAI résiste encore et toujours à la connerie ambiante, non content de se faire un bon coup de pub, tout en défendant ses clients : Free !

Ce FAI de rebelzzz n’a pas envoyé le mail Hadopi à ses abonnés chopés en plein download. L’explication est simple : les FAI se doivent de balancer votre nom à Hadopi, une fois que votre IP a été récupérée par TMG. S’ils ne le font pas, ils se prennent 1500 euros d’amende par identification non communiquée. Mais par contre, rien ne les oblige dans la loi, à prévenir les abonnés qui se sont fait choper par Hadopi. Le non-envoi de mail n’est pas sanctionné… Du coup, Free joue avec la loi (tout en la respectant à la lettre) et en profite pour rappeler au ministère de la Culture que les frais engagés pour permettre l’envoi de ces mails, doivent être remboursés par l’Etat (décision du Conseil Constitutionnel).

Évidemment, Free n’a pas consulté l’avis de ses clients avant de se lancer sur ce terrain, car ça en aurait effrayé plus d’un. En effet, si vous êtes chez Free, peut-être continuez-vous à télécharger alors que, n’ayant pas été prévenu, vous êtes en train de griller vos cartouches de riposte graduée. Ça vous fera peut être hurler, mais je pense que la stratégie est bonne car elle ébranle Hadopi qui du coup ne sait plus dans quel sens pédaler… On ne pourra pas couper la connexion des internautes de Free chopés par l’Hadopi car ceux-ci n’auront même pas été informés. Ça ne serait pas juste, ça ne serait pas en conformité avec ce que dit la loi et du coup, je suis sûr que ça ne se fera pas.

Free ne risque donc pas grand chose en faisant cela, et ses abonnés non plus. Reste à voir maintenant jusqu’où ce statu quo va aller, mais d’après France Inter, SFR s’apprête à rejoindre Free dans cette action.

… et se fait traiter de “preneur d’otages” par Éric Walter

Évidemment, je garde la partie comique pour la fin, car sans se faire attendre, Éric Walter, chef de la tribu des Hadopistes a réagi en qualifiant Free de preneur d’otages… En un sens, c’est vrai, mais si les otages (nous les abonnés) sont consentants, je vois plutôt ça comme une armée d’anti-Hadopi retranchés derrière leur forteresse Free. Certains appelleront ça le syndrome de Stockholm mais je crois plutôt qu’il s’agit de bon sens et d’une volonté à ne pas vouloir se la faire mettre profond par ces empêcheurs de surfer librement.

Genre le SNEP qui se jette sur son clavier pour balancer un communiqué de presse afin de gueuler contre Free, les accusant de concurrence déloyale vis-à-vis des autres FAI (non mais de quoi je me mêle…) et de « racolage » vis-à-vis des internautes téléchargeurs. Racolage ! C’est bon ça… Le SNEP qui traite Free de pute… D’ailleurs, si Free est une pute, j’ai l’impression que c’est celle qui s’est enfuie de sa maison close, faisant beaucoup de peine aux clients réguliers… ;-)

D’ailleurs, Hadopi qui qualifie Free de preneur d’otages, c’est l’hôpital qui se fout de la charité… Car pour le moment, les preneurs d’otages qui veulent décapiter les internautes à grands coups de renforts médiatiques, sur l’autel de la Culture nivelée par le bas, ce ne sont pas ceux qu’on croit.

J’en parlais avec un pote, il y a quelques jours… Plus le ministère de la Culture fait la chasse aux tipiakeurs, plus la diversité de la « culture » s’appauvrit… À la belle époque du peer-to-peer, on pouvait trouver des perles… des chansons ou des artistes peu connus, ou alternatifs, qu’actuellement, on ne trouve plus dans le circuit culturel traditionnel. Les gens se faisaient découvrir les uns les autres toute cette musique « underground », favorisant la diffusion de cette culture non grand public et l’émergence de petits artistes.

Mais avec l’arrivée des contrôles Hadopi et compagnie, toute cette culture rare, reste bien planquée au fond des disques dur et des CDs des connaisseurs, qui ne la partagent plus, ce qui prive ainsi toute une partie de la population qui ne soupçonne même pas l’existence de tel ou tel groupe, ou de telle ou telle chanson… À croire que si ça n’est pas à la Fnac, ça n’existe pas ! Mais c’est faux, ça existe, c’est là mais ça disparait petit à petit des radars, à cause de mecs comme lui qui sous prétexte de défendre la culture française, l’appauvrissent et la rendent triste à mourir. Ce problème de « culture » n’est en fait qu’un problème de pognon propre aux diffuseurs de culture mainstream (NRJ-style).

Appauvrissement culturel

Moi-même qui, il y a plusieurs années, partait en recherche de pépites musicales sur les réseaux peer-to-peer, je ne fais plus cet effort… J’ai capitulé et je n’écoute plus vraiment ce que j’ai choisi d’écouter et ce que j’aime vraiment. Je me contente la plupart du temps d’allumer la radio et d’écouter, sans spécialement apprécier, ce qu’on entend sur toutes les stations (qui est globalement la même chose) et je n’ai plus rien sur mon disque dur malheureusement. Alors effectivement, je manque de temps pour me replonger dans eMule comme au bon vieux temps mais les rares fois où je l’ai fait, pensant retrouver un morceau coup de coeur d’il y a quelques années, ce fut le désert… Le contenu a disparu. Les gens ne partagent plus, n’échangent plus, et se contente de consommer la même chose qu’à la radio ou à la TV mais en passant par le direct download. Plus moyen d’aller voir la liste de partage de tel ou tel pote pour retrouver des pépites, et pas moyen de trouver l’artiste qui m’intéressait à la Fnac ou sur Amazon. Artistes disparus ou trop petits pour être réédités, et c’est du bonheur qui part au fond des chiottes.

Dommage !

Je rêve qu’on retrouve cela, que chacun rallume son disque externe avec 3 To de MP3 classés aux petit oignons et les mette à disposition de tous sur la mule, permettant ainsi à nouveau les échanges et le partage propre à l’idée même de peer-to-peer que j’avais découvert avec Napster… Alalalala… Les offres légales existent à peine, alors la diversité musicale à l’intérieur de ces offres légale, je ne vous en parle même pas tellement elle est proche de nul. La solution du partage et de la rémunération : la licence légale…

Bon, j’ai les doigts qui chauffent, alors j’arrête de faire ma NKM en rêvant qu’un monde meilleur arrive sans avoir à bouger le petit doigt, et je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures comiques avec Hadopi et ses amis.

Billet initialement publié chez Korben

À lire aussi : Jiwa : la musique en ligne, un business de riches ?

Image CC Flickr jessica mullen

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